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ENTRETIEN avec Marie de Mestier, Gérante du fonds CM-AM Europe Value chez Crédit Mutuel Asset Management

Comment définiriez-vous votre approche value ? quelles sont les caractéristiques des actions que vous recherchez ?

CM-AM Europe Value répond à un processus d’investissement discipliné pour sélectionner des sociétés décotées, de qualité, quel que soit l’environnement économique. Nous restons de ce fait fidèles à notre philosophie de gestion, quand bien même nous serions tentés de nous en écarter dans des contextes de marché défavorables, comme nous le connaissons actuellement.

Le point départ de notre approche ? Des marchés qui peuvent être ponctuellement inefficients, et réagir excessivement à la hausse ou à la baisse, pour une bonne ou une mauvaise raison. De fait, la valeur d’une entreprise à l’instant T ne reflète pas forcément ses fondamentaux. Dans le cadre de notre gestion, nous recherchons des sociétés dont la valorisation de long terme n’est pas correctement reflétée dans les cours, des sociétés pour lesquelles le marché reste sceptique, et qui pourtant ont une valeur cachée, et des catalyseurs qui permettront leur revalorisation. Une telle approche nécessite d’être tout d’abord contrariant, mais surtout prudent, patient et discipliné.

Il faut également rappeler que la gestion value ne se résume pas aux secteurs traditionnellement représentatifs que sont l’énergie, les télécom et les banques. Ce sont des secteurs abimés, longtemps pénalisés par un environnement réglementaire ou des baisses de prix, et dont une partie de la décote est finalement justifiée. Il ne faut pas se cantonner à penser secteur quand on parle de style value. Le meilleur exemple est le secteur des utilities qui perd progressivement son statut de secteur Value avec le développement des énergies renouvelables, dont les multiples de valorisation sont excessifs. Les anomalies de valorisation existent au sein d’autres secteurs, comme celui de l’automobile dont la décote est proche de son niveau le plus élevé (~50%) par rapport au marché, reflet des craintes des investisseurs concernant la transformation du secteur (électrification, logiciels embarqués, véhicules autonomes…).

Comment se comporte CM-AM Europe Value depuis le début de l’année ?

Après avoir clôturé l’année 2021 en hausse de plus de 19%, avec une contribution particulièrement positive des secteurs cycliques (industrie, matériaux et finance), 2022 s’avère plus volatile. Le début d’année a coïncidé avec un revirement de la politique de la Fed, l’arrivée d’un nouveau variant et l’accentuation des tensions inflationnistes, créant une importante volatilité sur les marchés boursiers. La rotation sectorielle a été particulièrement forte dès les premiers jours, avec un engouement pour les secteurs traditionnellement value (Energie et Banque), tandis que les valeurs technologiques ont connu d’importantes prises de bénéfices. Le fonds a logiquement bénéficié de ce changement de paradigme les premières semaines de janvier. Cependant, la crise ukrainienne a rebattu les cartes de manière très violente au cours du mois de février. Les secteurs qui avaient enregistré de belles performances se sont fortement retournés. Les prévisions de croissance sont revues à la baisse et la recherche de valeur de qualité défensive a freiné la rotation vers les valeurs dites value. Le fonds termine le premier semestre en recul de plus de 15%, pénalisé par sa surexposition aux secteurs de l’industrie (Siemens, Rexel) et des Matériaux (Arkema, Smurfit) mais aussi par l’absence de valeurs qui font l’objet de controverses rouges et donc investissable dans le cadre de notre approche ISR (Shell). Le fonds a obtenu le label ISR début 2022.

Au cours du premier trimestre, nous avons diminué le poids des valeurs bancaires, du fait de révisions à la baisse de leurs bénéfices à venir et de leur sensibilité à la fois aux taux d'intérêt, aux volumes d'emprunt et à l'inflation. En revanche, nous avons renforcé des secteurs plus défensifs comme la santé et les télécoms ainsi que les valeurs exposées aux matières premières et à l’énergie. Le deuxième trimestre s’est montré tout aussi compliqué à appréhender avec un environnement macroéconomique qui s'est considérablement détérioré : tensions géopolitiques, perturbations de l'approvisionnement, appréciation du dollar et flambée des prix de l'énergie ont tous porté un coup dur aux perspectives de croissance mondiale. Les publications de résultats semestriels ont en revanche été particulièrement solides, redonnant confiance aux investisseurs sur la capacité des sociétés à traverser la crise.

Comment se positionne le fonds pour ce deuxième semestre ?

Jusqu'à présent, les dépenses de consommation sont restées remarquablement résistantes, créant un faux sentiment de sécurité, et les sociétés ont publié des résultats relativement solides, redonnant confiance aux investisseurs dans leur capacité à gérer les crises. Cependant, les vents contraires se multiplient, un ralentissement de la consommation semble inévitable, et les indicateurs économiques évoquent les premiers signes d’une récession en Europe. Au mois d’août, les marchés ont ainsi repris le chemin de la baisse après le discours « hawkish » de Jerome H. Powell à Jackson Hole, qui confirme la nécessité de poursuivre le resserrement monétaire de manière durable pour contrer une inflation toujours orientée à la hausse.

Si les sociétés restent encore positives dans leurs discours, du fait d’une demande encore soutenue, la prudence reste de mise que ce soit du côté des consommateurs, que celui des sociétés exposées à la hausse du prix du gaz. Nous n’avons pas fondamentalement modifié l’exposition sectorielle, mais avons réduit la poche cyclique du portefeuille au cours de l’été, notamment les industrielles européennes exposées à l’Allemagne (prix du gaz, niveau du Rhin) que ce soit les biens d’équipement ou la chimie, au profit des secteurs plus défensifs (telecom, santé). Le fonds reste positionné sur des valeurs de l’énergie & des matières premières (21%), de l’industrie (17%) et de la santé (9%).

Comment abordez-vous l’intégration de critères ESG au sein de votre gestion Value ?

CM-AM Europe Value a obtenu le label ISR en début d’année. La démarche ESG est donc une partie intégrante du processus de gestion depuis maintenant plusieurs trimestres. Elle intervient à chaque étape, de la constitution de l’univers à la construction du portefeuille. Une telle approche n’est absolument pas incompatible avec une gestion Value contrairement aux idées reçues. La prise en compte de critères environnementaux, sociaux ou de gouvernance n’est pas réservée aux secteurs de croissance. Les banques, les groupes pétroliers, ou encore les constructeurs automobiles ont également développé des programmes de développement durable, avec pour la plupart des objectifs ambitieux de réduction de leur empreinte carbone, ou de politique sociale. L’intégration de critères ESG n’a finalement pas eu d’impact majeur au niveau de la gestion, compte tenu de la discipline de sélection mise en œuvre sur le fonds. Ainsi, une seule valeur a dû être vendue l’année dernière du fait d’une controverse rouge, RD Shell. De manière générale, l’analyse extra-financière d’une entreprise devient indissociable de l’analyse fondamentale afin de pouvoir appréhender au mieux sa stratégie et son engagement sur le long terme.

CM-AM Europe Value est un fonds de convictions, qui identifie les sociétés qui font face à un incident de parcours, amplifié par les marchés, et sur lesquelles nous avons identifié des catalyseurs clairs, dans une approche respectueuse des critères extra financiers telle que décrite dans la philosophie de Crédit Mutuel Asset Management.

Achevé de rédiger le 8 septembre 2022