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Bilan Macro-économique et perspectives 2022, par François DUHEN, Chef économiste et Stratégiste et l’équipe Recherche Economie et Stratégie

Dans le sillage de l’année 2020, 2021 a été conditionnée par l’évolution de la situation sanitaire, oscillant entre regain de confiance grâce aux progrès de la vaccination et inquiétudes des investisseurs du fait de l’apparition de nouveaux variants. Les banques centrales et les Etats ont dans un premier temps poursuivi leurs politiques de soutien budgétaire et monétaire afin de stimuler la reprise économique, avant que l’inflation, jugée transitoire au préalable, ne se révèle plus persistante qu’anticipé et ne commence à inquiéter. Alimentées par l’envolée des prix des matières premières et par les tensions sur les chaines d’approvisionnements, les pressions inflationnistes ont conduit la Fed mais aussi la Banque d’Angleterre et dans une moindre mesure la BCE à durcir leurs politiques monétaires. Ceci n’a toutefois pas suffi à fragiliser l’appétit pour le risque des investisseurs, encore convaincus des perspectives de croissance à venir et d’une amélioration de la situation sanitaire grâce à l’efficacité de la vaccination, permettant aux marchés d’actions d’atteindre de nouveaux records historiques.

En zone euro, le début d’année a été marqué par la résurgence épidémique, pesant sur la croissance du fait des restrictions sanitaires mises en place par les différents pays. L’optimisme est cependant revenu dès l’été avec la réouverture progressive des économies et une reprise de l’activité meilleur qu’escompté grâce à la consommation des ménages. La politique monétaire très accommodante de la BCE a largement contribué à maintenir des conditions de financement favorables en zone euro, permettant aux Etats de rester en soutien de l’économie malgré les vagues épidémiques successives. Si l’impact de ces dernières sur l’activité est désormais décroissant du fait de la montée en puissance de la vaccination, la crise sanitaire continue en revanche d’exacerber les tensions inflationnistes, contraignant la BCE à entamer son resserrement monétaire via la confirmation de la fin de son programme d’achats d’actifs lié à la pandémie (PEPP). Ceci a certes contribué à la remontée des taux souverains européens mais le mouvement est resté globalement limité et n’a guère fragilisé les marchés d’actions européens, en particulier le CAC 40 qui a enregistré une progression de +29% en 2021 pour atteindre un nouveau point haut historique à 7153 pts.

Le Royaume-Uni a débuté l’année par l’entrée en vigueur de l’accord commercial du Brexit avec la fin de la période de transition au 1er janvier 2021. Pourtant, c’est la situation sanitaire qui a le plus préoccupé Boris Johnson en début d’année, avec la propagation rapide du variant Delta, ralentissant l’application du calendrier initial de déconfinement. La vaccination a malgré tout fait ses preuves, ce qui a permis une réouverture de l’économie dès le début de l’été, avant que les tensions politiques liées au Brexit et surtout la hausse de l’inflation n’assombrissent les perspectives économiques du pays. L’envolée de l’inflation a d’ailleurs amené la Banque d’Angleterre à annoncer une hausse surprise de ses taux directeurs, un élément qui a renforcé l’appréciation de la livre sterling face à l’euro (+7%), certes face à une monnaie unique affaiblie face au dollar également (-7%).

Aux Etats-Unis, la politique budgétaire volontariste mise en place par J. Biden dès le début de l’année a largement contribué à la vigueur du dollar. Fort de sa majorité obtenue au Sénat, le parti démocrate a rapidement entériné un plan de relance de 1900 MM$ pour contenir les conséquences de l’épidémie, avant de valider un plan d’infrastructures cette fois-ci en fin d’année. Ce soutien à la demande et à la consommation, couplé à l’amélioration progressive de la situation sanitaire, a alimenté une reprise économique très rapide et permis aux marchés d’actions de conserver une dynamique haussière tout au long de l’année (nouveau record historique pour le S&P 500 à près de 4800 pts). L’aggravation des goulots d’étranglement au niveau des chaînes d’approvisionnements, la flambée des prix de l’énergie et la normalisation plus lente qu’anticipé du marché du travail ont cependant entraîné une forte hausse de l’inflation, dont la persistance a fini par inquiéter la Fed. Pour freiner ces pressions inflationnistes, J. Powell a en effet annoncé un ralentissement des achats d’actifs de son institution et indiqué que plusieurs hausses de taux directeurs étaient envisagées en 2022, un durcissement de la communication qui s’est reflété dans la hausse des taux souverains américains, aussi bien sur la partie courte que longue de la courbe.

Si la Chine a été l’un des premiers pays à voir sa situation sanitaire s’améliorer et à retrouver la voie de la croissance grâce à une relance des exportations, cette dynamique économique s’est graduellement essoufflée compte tenu du lourd impact de la politique « zéro Covid » sur l’activité. A cela se sont ajoutées des tensions diplomatiques persistantes avec les Etats-Unis mais aussi la volonté des autorités chinoises de resserrer l’étau réglementaire autour des grandes entreprises dans le but de reprendre le contrôle sur le secteur privé et de redonner du pouvoir d’achats aux classes moyennes. Le risque de faillite du promoteur immobilier Evergrande a également accentué ce climat d’incertitude et entraîné une nette sous-performance des actifs chinois par rapport au reste des pays développés. Face à l’intensification des craintes des investisseurs, les autorités chinoises ont néanmoins envoyé des signaux quant à leur détermination à contenir tout risque de contagion du secteur immobilier vers le reste de l’économie.

La propagation du variant Delta continue de poser des difficultés aux pays émergents, pénalisés par une vaccination moins efficace et plus tardive que dans les pays développés. Les problématiques d’approvisionnements et l’accélération de l’inflation poussent les banques centrales à relever leurs taux directeurs, d’autant plus vite qu’elles se retrouvent contraintes par le resserrement monétaire de la Fed. Certains parviennent néanmoins à tirer leur épingle du jeu, profitant de la remontée du prix des matières premières.

L’année 2021 a été faste pour l’or noir avec une progression de près de 57% du Brent. L’OPEP+ a renforcé sa main mise sur le marché du pétrole, en freinant la hausse de sa production par rapport à la reprise de la demande et en ne cédant pas aux pressions américaines d’augmentation plus rapide de la production. Le gaz et l’électricité connaissent eux aussi une envolée de leur cours, portés notamment par des tensions sur l’offre, sur fond de climat géopolitique tendu entre la Russie et l’Europe.

Concernant les perspectives 2022, la poursuite du rattrapage, une période de surinvestissement et l’excès d’épargne toujours disponible dans les pays développés permettent de tabler sur une poursuite du rebond économique. La croissance restera en revanche longtemps perturbée dans les pays moins bien vaccinés, en particulier la plupart des pays émergents.

Du fait de cette vigueur de la demande dans les pays développés, une forte pression haussière sur les prix va persister plusieurs trimestres, avant un début de normalisation plus nette au mieux au S2-2022. Se pose aussi la question de la durée de l’impact des tensions Russie-Ukraine alors que le bras de fer se tend entre les deux parties.

Achevé de rédiger le 19 janvier 2022