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Point Macro-économique par François DUHEN, Chef économiste et Stratégiste CIC Market Solutions - Février 2023

Le ton plus confiant des banques centrales concernant l’inflation et l’ampleur du resserrement monétaire qui reste nécessaire à l’issue des réunions de politique monétaire au tout début du mois de février a vite été éclipsé par la publication d’indicateurs économiques témoignant de la résilience de l’activité, mais surtout des risques inflationnistes toujours haussiers aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe. Des commentaires plus offensifs de la part des banquiers centraux ont donc ressurgi et contribué à la forte appréciation des taux souverains de part et d’autre de l’Atlantique. Les attentes des investisseurs financiers se sont sensiblement renforcées vis-à-vis de la Fed, entraînant l’appréciation du dollar face aux principales devises au cours du mois. Ce rebond du billet vert s’explique aussi par un regain d’inquiétudes géopolitiques alors qu’un an après le début de la guerre en Ukraine, les tensions géopolitiques, en particulier entre la Chine et les Etats-Unis, se sont amplifiées.

En zone euro, la BCE a relevé le jeudi 2 février, comme attendu, ses taux directeurs de 50 pb au début du mois (à 2,5%-3%). Lors de sa conférence de presse, Christine Lagarde, s’est montrée moins ferme qu’initialement attendu face à la détente des conditions financières, entraînant dans un premier temps un mouvement marqué à la baisse des taux souverains européens. Toutefois, les craintes d’un regain d’inflation, confirmées par les données de février, ont poussé les membres de la BCE à se montrer plus offensifs en évoquant la nécessité de poursuivre le resserrement monétaire, ce qui a contribué au net rebond des taux souverains européens (près de 40 pb pour les échéances à 10 ans allemandes et françaises) au cours du mois. Outre la publication de taux d’inflation provisoire en hausse à la fin du mois en France et en Espagne, le rebond des indicateurs d’activité PMI de février (indice composite à 52,3 vs 50,7 attendu et 50,3 en janvier), notamment dans les services, ont amplifié ces craintes. En effet, les chefs d’entreprises indiquent vouloir poursuivre à remonter leurs prix de vente, particulièrement dans les services, en raison des hausses de salaires. Cela confirme que les effets de second tour liés aux salaires sont en cours, alimentant les craintes concernant les perspectives d’inflation sous-jacente. Notons toutefois que l’industrie a connu un amenuisement des pressions inflationnistes en raison de la modération des prix des intrants comme l’énergie et l’amélioration des chaînes d’approvisionnement. Du reste, afin de favoriser la compétitivité des entreprises industrielles européennes dans la transition écologique face notamment à l’Inflation Reduction Act américain, la Commission européenne a présenté un plan dénommé Green Deal Industrial Plan, lequel devra faire l’objet d’un consensus entre les Etats membres, d’une capacité de 245 MM€ provenant essentiellement de fonds inemployés du plan de relance post pandémie.

Au Royaume-Uni, la Banque d’Angleterre (BoE) a pour sa part relevé ses taux directeurs de 50 pb (à 4%) dans une décision attendue mais de nouveau sans unanimité. Si l’hypothèse d’une pause prochaine dans le relèvement des taux directeurs a été partagée par les investisseurs, les déclarations hawkish (i.e. en faveur d’une politique monétaire plus restrictive) de la part de C. Mann ainsi que le constat de pressions inflationnistes sous-jacentes, notamment salariales, encore élevées ont contribué à l’appréciation des taux souverains britanniques. L’activité économique a également rebondi (indice PMI composite à 53 vs 49 attendu et 48,5 en janvier), favorisant le rebond de la livre sterling face au dollar et à l’euro. Enfin, dans le cadre des négociations du Brexit, le Royaume-Uni et la Commission européenne ont officialisé un nouvel accord concernant le protocole nord-irlandais, qui régit les règles de circulation des biens entre le Royaume-Uni et l’Irlande du Nord, propice à un apaisement des tensions entre l’Union européenne et le gouvernement britannique.

Aux Etats-Unis, la résilience du marché de l’emploi, illustrée par des créations d’emplois en très forte accélération en janvier (+517 k en janvier vs +260 k en décembre), ainsi que les statistiques d’inflation qui repartent à la hausse en janvier, notamment sur la composante sous-jacente (indice PCE suivi par la Fed à +5,4% en glissement annuel vs +5,3% en décembre) ont ravivé les craintes des investisseurs financiers concernant l’ampleur du resserrement monétaire qui reste nécessaire de la part de la Fed et contribué à la très forte hausse des taux souverains (+ 40 pb sur le mois pour le taux à 10 ans). Si l’institution a ralenti la vitesse de ses hausses de taux directeurs avec un pas de 25 pb à 4,5%-4,75% lors de la réunion le 1er février, les membres de la Fed ont depuis durci leurs propos en faveur d’une politique monétaire plus restrictive pour la suite, contribuant à la nette appréciation du dollar. Les craintes se cristallisent autour de la persistance des pressions inflationnistes sous-jacentes, en particulier dans les services. En effet, selon les enquêtes, les entreprises tant dans le secteur manufacturier que dans les services, relèvent leurs prix de vente afin de répercuter l’augmentation des coûts salariaux, confirmant que la boucle prix-salaires est à l’œuvre d’autant que l’activité reste résiliente, en particulier la demande des ménages malgré la hausse des prix, comme en atteste le rebond des ventes au détail américaines au mois de janvier (+2,4% en volume en glissement mensuel vs -1,2% en décembre).

En Chine, le mois de février a été perturbé par le renouvellement des tensions géopolitiques sino-américaines, lesquelles ont pesé sur la performance des indices actions chinois (en l’absence de publication d’indices d’activité après la période du Nouvel an chinois). Un an après le début de la guerre en Ukraine, les Etats-Unis ont accusé la Chine de vouloir fournir de l’armement à l’armée russe tandis que Pékin a jugé à plusieurs reprises que Washington aggravait le conflit russo-ukrainien.

S’agissant des matières premières, les cours du pétrole ont clôturé le mois en légère hausse (Brent à 83,9 $/baril), soutenu par des indicateurs d’activité favorables et par l’annonce d’une réduction de la production russe en représailles à l’instauration d’un plafonnement des prix par les pays du G7. La chute des prix du gaz s’est poursuivie en Europe (le cours de référence TTF est repassé sous le seuil de 50 €/MWh, son plus bas niveau depuis novembre 2021). Enfin, les cours des métaux industriels et de l’or ont été pénalisés par l’appréciation du dollar face à l’ensemble des devises.

Achevé de rédiger le 7 mars 2023