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Point Macro-économique par François DUHEN, Chef économiste et Stratégiste CIC Market Solutions - T1 2023

Le 1er trimestre 2023 a été marqué par un retour de l’aversion pour le risque malgré la dynamique de croissance meilleure qu’attendu en début de trimestre. A la persistance de l’inflation, notamment sous-jacente, qui a conduit les banques centrales à poursuivre leur resserrement monétaire, a succédé un épisode de turbulences financières en mars relatif à la défaillance de trois banques régionales américaines et de Credit Suisse. Ce mouvement d’aversion pour le risque s’est traduit par une rechute des taux souverains européens et américains en mars, contribuant en partie à la résilience des marchés d’actions, soutenus également par la reprise économique en Chine. Pour autant, la réponse crédible des autorités de tutelles de part et d’autre de l’Atlantique a permis de contenir les risques de contagion pour le moment et l’absence d’aggravation de la situation à fin mars a permis un regain d’appétit pour le risque.

En zone euro, confrontée aux pressions inflationnistes toujours fortes, notamment sous-jacentes, hors énergie et alimentation (en glissement annuel : +6,9% en mars ; +5,6% pour l’inflation sous-jacente), la Banque centrale européenne (BCE) a poursuivi le relèvement de ses taux directeurs à raison de deux hausses de 50 pb à 3-3,5% en février et en mars. L’activité a été en effet plus résiliente qu’anticipé (PMI composite à 54,1 en mars vs 52 en février), en particulier dans les services alors que le secteur manufacturier se contracte et ce malgré l’amélioration des chaînes d’approvisionnement. Au global le spectre de la récession a continué d’être écarté. Si les investisseurs ont un temps anticipé une politique monétaire un cran moins restrictive en raison des craintes relative au risque d’une crise bancaire systémique, à la suite des faillites de banques américaines et de la défaillance de la banque helvète Credit Suisse (rachetée par UBS), la BCE a affirmé sa confiance dans la résilience du système bancaire de la zone euro (dont la régulation renforcée ces dernières années apparait à ce stade efficace pour éviter une crise majeure) et a rappelé sa capacité à déployer des mesures d’urgence en cas de nécessité pour assurer la stabilité financière. Du reste, afin de favoriser la compétitivité des entreprises industrielles européennes dans la transition écologique face notamment à l’Inflation Reduction Act américain, la Commission européenne a présenté un plan, lequel devra faire l’objet d’un consensus entre les Etats membres, d’une capacité de 245 MM€ provenant essentiellement de fonds inemployés du plan de relance post pandémie. Enfin, en France, comme en Allemagne, les tensions sociales (mouvements de grèves et manifestations) voire politiques (au sein de la coalition allemande composée de trois partis) se sont amplifiées.

Au Royaume-Uni, face à une inflation toujours élevée (en sursaut à +10,4% en glissement annuel en février vs +10% en janvier), la Banque d’Angleterre (BoE) a relevé ses taux directeurs de 50 et 25 pb (à 4,25%) en février et mars. A l’instar de ses pairs européens, Andrew Bailey, le gouverneur de la BoE a indiqué que le niveau des taux d’intérêt serait déterminé par des considérations relatives à la lutte contre l’inflation, estimant que le système bancaire britannique était résilient, et que, si l’inflation persistait, une poursuite du resserrement monétaire serait privilégiée par la BoE et cela malgré la dégradation des perspectives économiques.

Aux Etats-Unis, la faillite des banques régionales Silicon Valley Bank, Signature Bank et Silvergate a contraint la Fed et les régulateurs à déployer des mesures exceptionnelles de garantie des dépôts et d’accès à la liquidité des établissements de crédit américains. Plus de 300 MM$ de liquidité ont ainsi été injectés dans le système bancaire en l’espace d’une semaine, courant mars. Depuis, les signaux sont rassurants puisque non seulement les marchés interbancaires restent opérant, les injections de liquidité ralentissent partiellement mais également les risques de fuite de dépôts restent encore contenus. Compte tenu des turbulences financières et d’anticipations d’une politique monétaire moins restrictive, les taux souverains américains ont connu une baisse marquée sur le trimestre. Néanmoins, face à un marché du travail encore très tendu (créations d’emploi encore dynamiques), propice aux effets de second tour, et à la persistance de l’inflation (inflation PCE : +5% en glissement annuel en mars ; partie sous-jacente : +4,6%), la Fed a relevé ses taux directeurs de 25 pb lors de ses deux réunions (de 4,25-5% à 4,75-50%). Les banquiers centraux ont néanmoins reconnu que le durcissement des conditions financières éventuellement induit par le stress bancaire pourrait atténuait la nécessité de relever les taux directeurs aussi haut que précédemment anticipé.

En Chine, la réouverture de l’économie bénéficie clairement aux indices d’activité PMI qui ont nettement rebondi en particulier dans les services (indice PMI Caixin des services de février et mars très nettement en territoire d’expansion et en accélération), portés par la consommation domestique en fort rebond. En outre, les tensions géopolitiques avec les Etats-Unis se sont amplifiées notamment au sujet de la guerre en Ukraine, un an après le début de l’invasion russe, alors que la rencontre entre Xi Jinping et Vladimir Poutine a renforcé les divergences entre les deux blocs occidentaux et orientaux. S’agissant des pays émergents, le gouvernement de Lula a proposé un nouveau cadre budgétaire avec un engagement de réduction du déficit public alors que la banque centrale brésilienne a de nouveau maintenu ses taux directeurs inchangés sur le trimestre.

S’agissant des matières premières, la modération des prix énergétiques s’est poursuivie ce trimestre, en particulier pour le gaz (près de -40% sur l’ensemble du trimestre à 46 €/MWh), en raison de conditions météorologiques favorables, des efforts de baisse de demande et de la diversification des approvisionnements. Compte tenu des craintes d’une récession et du stress bancaire, le cours du pétrole a également connu un repli (Brent à -9% à 79 $/baril), qui témoigne également de la résilience des exportations russes malgré les sanctions occidentales. Enfin, la reprise économique de la Chine a soutenu le cours des métaux industriels (cuivre : +7,5% ; aluminium : stable) tandis que l’or s’est vu renforcé par le mouvement d’aversion pour le risque.

Achevé de rédiger le 6 avril 2023