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Point Macro-économique par François DUHEN, Chef économiste et Stratégiste CIC Market Solutions - Mai 2023

Après l’émergence de turbulences financières majeures consécutives à la faillite de banques régionales américaines en mars, le mois d’avril a été marqué par une détente partielle de la situation du fait des outils mis en place par les autorités et donc d’une réintégration par les investisseurs d’une politique monétaire plus restrictive des banques centrales, contribuant au rebond des taux souverains. En l’absence de réunions de politique monétaire, les déclarations des banquiers centraux de la Fed comme de la Banque centrale européenne (BCE) en faveur d’une poursuite du resserrement monétaire pour lutter contre l’inflation ont également contribué à ce mouvement. Toutefois, la poursuite de craintes relatives à la situation des banques régionales (au premier rang desquelles First Republic), les perspectives de ralentissement économiques et les inquiétudes croissantes concernant les négociations autours du plafond de la dette fédérale sont restées en toile de fond et ont partiellement pénalisé l’appétit pour le risque. Enfin, en Chine, la reprise économique s’est poursuivie, portée par la demande domestique sans toutefois atténuer les doutes relatifs à l’ampleur du rebond de l’économie chinoise, lesquels ont pesé sur les cours des matières premières.

En zone euro, à mesure que les craintes relatives à la situation des banques européennes s’estompaient, les membres de la BCE ont multiplié les déclarations en faveur d’une poursuite du resserrement monétaire, en particulier des hausses de taux directeurs, afin de limiter l’inflation sous-jacente jugée encore trop forte (+5,7% en mars en glissement annuel vs +5,6% en février). Selon le compte-rendu de la dernière réunion de la BCE, le 16 mars, publié en avril, si une grande majorité des membres avaient alors reconnu la nécessité d’une hausse des taux directeurs de 50 pb, l’épisode de stress bancaire avait néanmoins incité certains d’entre eux à la prudence. Dans ce contexte, les statistiques économiques ont continué à démontrer la résilience de la croissance européenne au 1er trimestre (+0,1% en rythme séquentiel vs -0,1% au 4ème trimestre révisé à la baisse) qui masque des disparités entre le dynamisme de l’Italie et l’Espagne (+0,5% en rythme séquentiel) et la stagnation de l’économie allemande (+0%), pénalisée par son secteur manufacturier. Les indices d’activité PMI préliminaires d’avril en zone euro témoignent à ce titre de la divergence toujours plus grande entre les services en forte expansion et le secteur manufacturier en contraction du fait de la baisse de la demande.

En France, la croissance du 1er trimestre est repassée en territoire positif en rythme séquentiel (+0,2% vs +0% au T4-2022) à la faveur d’un rebond du commerce extérieur (forte hausse des exportations dans les transports), tandis que les composantes domestiques restent en difficulté. L’inflation a accéléré en avril (+5,9% en glissement annuel vs +5,7% en mars) du fait d’un rebond des prix dans l’énergie et les services. A noter également que l’agence de notation Fitch a dégradé la notation souveraine de la France de AA à AA- (la perspective passant de négative à stable) en raison notamment de réserves relatives à la trajectoire des finances publiques et au contexte social après la promulgation de la réforme des retraites, qui complique les perspectives de réformes du gouvernement.

Au Royaume-Uni, l’inflation persistante (+10,1% en glissement en mars vs +10,4% en février), y compris hors énergie et alimentation, et l’accélération des salaires (+6,6% en glissement annuel sur 3 mois en février) ont conduit à une appréciation substantielle des taux souverains britanniques sur fond d’anticipations d’une politique monétaire plus restrictive de la Banque d’Angleterre. Selon les indices PMI d’avril, le secteur manufacturier continue de se contracter tandis que le secteur des services reste dynamique.

Aux Etats-Unis, l’orientation des actifs financiers et la confiance des agents économiques sont restées étroitement liée à l’évolution des turbulences bancaires. Ainsi, les taux souverains ont un temps été portés par (i) une inflation encore élevée (inflation sous-jacente qui accélère à +5,6% sur un an en mars) et un marché de l’emploi encore propice aux effets de second tour, conduisant des membres de la Fed à évoquer la nécessité d’une poursuite du resserrement monétaire ; et par (ii) une stabilisation du stress bancaire d’autre part (stabilisation des dépôts bancaires et moindre recours par les banques aux mesures exceptionnelles de liquidité de la Fed). Toutefois, la hausse des taux souverains a été limitée en fin de mois par les craintes relatives aux banques régionales, avec la faillite de la banque First Republic, par les inquiétudes relatives à la croissance ainsi que par la question du relèvement plafond de la dette fédérale américaine et le risque de défaut américain, contribuant à la dépréciation du dollar face à l’euro (-1,1% sur le mois). Au 1er trimestre 2023, la croissance américaine est ressortie en ralentissement par rapport au trimestre précédent (+1,1% en rythme séquentiel annualisé vs +2,6% au T4-2022), pénalisée par l’investissement qui ralentit nettement tandis que la consommation demeure robuste malgré un environnement plus incertain. De plus, alors que le plafond de la dette fédérale été atteint mi-janvier et en l’absence de relèvement ou de suspension du plafond au Congrès, le Trésor pourrait être dans l’incapacité de faire face à ses engagements à compter du début du mois de juin. Une proposition de relèvement, en contrepartie de baisses substantielles des dépenses publiques, a été adoptée à la Chambre des représentants à majorité républicaine, sans l’assentiment des élus démocrates, majoritaires au Sénat.

En Chine, la publication de la croissance au 1er trimestre a confirmé l’ampleur du rebond de l’économie (+2,2% en rythme trimestriel), porté par la consommation domestique dans les services comme en témoigne la hausse des ventes au détail en mars. La reprise est essentiellement dans le secteur des services (à l’image des indices PMI Caixin de mars), avec une évolution des prix à la consommation et à la production qui demeure très modérée alors que l’industrie connait un redémarrage limité compte tenu de la faiblesse de la demande mondiale. Du reste, les tensions géopolitiques se sont poursuivies : en représailles à la rencontre entre la présidente de Taïwan et des parlementaires américains, l’armée chinoise a organisé des exercices militaires dans le détroit de Taïwan.

S’agissant des matières premières, les pays de l’OPEP ont annoncé en début de mois des baisses de leur production de 1,16 million de barils par jour à partir de mai (auxquelles s’ajoutent la prolongation de la baisse de 500 000 barils/jour de la production russe jusqu’à fin d’année), alors que les cours du pétrole se sont montrés volatiles (en dépit du retour vers 80$/baril en fin de mois) et ont évolué en fonction des incertitudes relatives à la croissance mondiale. Le cours des métaux industriels se sont également repliés en raison des doutes sur la dynamique économique chinoise tandis que le cours du gaz européen a continué de baisser jusqu’à 38 €/MWh face à la faiblesse de la demande et cela alors que s’amorce la période de remplissage des stocks en vue de l’hiver prochain.

Achevé de rédiger le 12 mai 2023