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Point Macro-économique avec François Duhen

Les craintes inflationnistes continuent de s’intensifier dans le monde, exacerbées par les tensions énergétiques venues s’ajouter aux problématiques déjà existantes sur les chaînes d’approvisionnement. Des enjeux majeurs pour les banquiers centraux qui restent convaincus pour la plupart d’entre eux du caractère transitoire de l’inflation et qui tentent, parfois sans succès, de rassurer quant à un durcissement trop brutal de la politique monétaire. Si les doutes des investisseurs se traduisent par une nette accélération des anticipations d’inflation, les taux réels restent eux à des niveaux historiquement bas, ce qui explique la hausse limitée des principaux taux souverains depuis début octobre voire leur légère baisse en Europe. Ceci contribue à porter les indices actions vers de nouveaux records, bien aidés aussi par des publications d’entreprises encourageantes qui démontrent leur capacité à résister à la hausse des coûts des intrants. La validation du plan d’infrastructures américain alimente également la confiance sur les marchés financiers, bien que les négociations restent difficiles entre élus démocrates concernant le deuxième volet de relance.

En Europe, les investisseurs remettent en question le scénario défendu par la BCE d’un pic d’inflation temporaire et tablent de manière croissante sur une hausse des taux directeurs dès l’année prochaine. Une hypothèse que C. Lagarde a cherché à écarter lors de la dernière réunion de politique monétaire, sans pour autant réussir à rassurer, notamment en raison de l’absence de visibilité quant à l’avenir de ses programmes d’achats d’actifs après la fin du programme spécial lié à la pandémie (PEPP) prévue en mars. Les pressions inflationnistes restent en effet très fortes en Europe, alimentées notamment par l’envolée des prix de l’énergie et en particulier ceux du gaz européen, sur fond de faiblesse des approvisionnements en provenance de Russie et de stocks à des niveaux anormalement bas. Ceci pèse déjà sur l’activité économique, avec plusieurs fermetures d’usines, mais aussi sur les marges des entreprises qui font face à d’autres hausses de coûts par ailleurs. Néanmoins, la plupart des entreprises du Stoxx 600 ont affiché des résultats très encourageants lors de la saison de publications du troisième trimestre, permettant aux indices européens de retrouver leurs points hauts historiques et de résister au retour des craintes sanitaires sur le devant de la scène.

Aux Etats-Unis, le mois d’octobre a débuté par un vote in extremis pour prolonger le financement de l’Etat fédéral jusqu’à début décembre et éviter le shutdown (fermeture des services non essentiels). Les négociations concernant les plans de relance de J. Biden se sont par ailleurs poursuivies pour aboutir à la validation de celui d’infrastructures de 1000 MM$ (dont 500 de nouvelles dépenses) tandis que le deuxième volet de relance visant à investir dans le capital humain est toujours en discussion. Sous la pression des élus centristes du parti démocrate, l’enveloppe totale a de nouveau été revue à la baisse et la hausse de l’impôt sur les sociétés a été abandonnée, un élément positif pour les marchés d’actions américains qui continuent de battre des records historiques. Cette relance additionnelle doit apporter un nouveau soutien de taille à la croissance américaine, laquelle est en perte de vitesse comme en a attesté la publication du PIB du T3-2021, un cran en-dessous des attentes, bien que ceci ait surtout reflété un tassement de l’activité du fait de la résurgence de l’épidémie durant l’été et la persistance des tensions sur les chaînes d’approvisionnement. Ces dernières alimentent d’ailleurs un risque inflationniste plus prégnant aux Etats-Unis qu’en Europe, ce qui inquiète notamment le sénateur centriste J. Manchin qui se montre réticent à l’idée de voter un nouveau plan de relance. Si la Fed a jugé que les conditions étaient réunies pour entamer son resserrement monétaire en annonçant une réduction de ses achats d’actifs, J. Powell a réitéré qu’une hausse des taux directeurs n’était toujours pas envisagée à ce stade.

En Asie, les tensions énergétiques se sont intensifiées, portant notamment un coup d’arrêt à la croissance économique chinoise, pénalisée par ailleurs par la résurgence de cas de COVID-19, les incertitudes réglementaires mais aussi les problématiques liées à l’endettement d’Evergrande. A ce sujet, les autorités chinoises continuent de flécher leur intention de laisser les actionnaires et les créanciers du groupe en assumer les conséquences tout en faisant en sorte de contenir tout risque de contagion au reste de l’économie. Mentionnons également la reprise des discussions commerciales entre Pékin et Washington, sans avancée majeure à ce stade. Au Japon, les élections législatives ont été remportées par le parti au pouvoir (LDP), alimentant les espoirs de nouvelle relance budgétaire.

Concernant les matières premières, les prix du gaz et du charbon évoluent à des niveaux très élevés, entraînant à la hausse les cours du pétrole par effet de substitution. Cette dynamique haussière sur les marchés de l’énergie montre cependant des signes de ralentissement, les prix ayant rechuté quelque peu après que la Chine a annoncé relancer massivement sa production de charbon et que Vladimir Poutine a signalé que la Russie augmenterait ses exportations de gaz vers l’Europe. En revanche, les cours du brut restent dépendants de l’OPEP+, qui a choisi de ne pas accélérer la hausse de sa production, le cartel s’inquiétant notamment des effets d’une possible nouvelle vague de COVID-19 cet hiver. Le mois d’octobre a par ailleurs été volatil pour les métaux industriels, pour lesquels se sont alternées des phases haussières liées aux tensions sur la production et des phases baissières dues aux craintes concernant la croissance économique.

Achevé de rédiger le 19 novembre 2021