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ENTRETIEN avec Arnaud Grimoult, gérant du fonds chez Crédit Mutuel Asset Management.

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Arnaud Grimoult

« Même si l’inflation est proche ou a dépassé son pic des deux côtes de l’Atlantique, le fonds CM-AM Inflation conserve son intérêt pour se protéger des tensions inflationnistes qui resteront présentes dans les prochains trimestres »

Où en sommes-nous sur l’inflation en Zone euro?
Après une décennie marquée par l’absence de risques inflationnistes, nous vivons depuis plus de deux ans une forte accélération de l’inflation. La crise du Covid avait d’abord porté un premier coup à cette conjoncture en créant une forte demande lorsque l'économie a rouvert. La guerre en Ukraine a occasionné un choc inflationniste majeur qui s’est ajouté au précédent, qui était lié à la sortie de la crise sanitaire.
Si on regarde les dernières statistiques, l’inflation totale de la zone euro s’est encore une fois fortement accéléré en Octobre pour atteindre 10,6% sur un an glissant tandis que l’inflation sous-jacente (c’est-à-dire hors énergie et alimentaire) s’est également renforcé à 5,0 %. Ces chiffres d’inflation ont largement dépassé les prévisions du consensus et les attentes selon lesquelles l’inflation aurait dépassé son pic en Septembre. La ventilation montre qu’à nouveau toutes les principales composantes ont contribué à l’accélération de l’inflation en octobre et notamment sur l’inflation sous-jacente.
Si on regarde dans le détail, pour la composante énergie, malgré l’amélioration du contexte de marché (les prix de gros du gaz et de l’électricité ont fortement chuté par rapport aux sommets qu’ils avaient atteints fin août), la répercussion de la baisse des prix de gros de l’énergie sur les prix à la consommation continue d’être spécifique à chaque pays (c’est-à-dire dépendante de la structure du marché local, des pratiques de tarification et des interventions des gouvernements nationaux) et va prendre du temps. Des mesures supplémentaires de blocage des prix ont par exemple été annoncées en Allemagne mais n’entreront en vigueur qu’au début de l’année prochaine. D’autre part, l’accalmie constatée sur les prix de l’énergie n’a pas vocation à durer avec l’hiver et les marges de manœuvre des Etats européens pour consommer seront sensiblement réduites du fait de l’arrêt des livraisons de gaz russe. Du côté de l’inflation des produits alimentaires, celle-ci reste toujours robuste et reflète la répercussion rapide de l’inflation élevée des prix à la production sur les prix à la consommation. Nous pensons que la dynamique actuelle pourrait se poursuivre encore plusieurs mois, car les prix à la consommation continuent de rattraper les coûts de production élevés et l’approvisionnement en engrais reste limité. Dans les biens industriels, nous notons un début de ralentissement dans les prix avec notamment les enquêtes de conjoncture européennes (PMI, IFO, CE) qui ont fait état d’un assouplissement sensible des pressions sur les prix des intrants et des extrants par rapport aux pics de la mi-2022, à mesure que la demande des consommateurs ralentit, que les conditions des chaînes d’approvisionnement se normalisent et que le pouvoir de fixation des prix des entreprises diminue.
Enfin, dans les services, l’inflation devrait rester élevée principalement via la composante salaire. Nous continuons toujours d’exclure un scénario d’emballement avec une boucle prix-salaires, bien qu’un certain rattrapage du niveau des salaires semble probable fin 2022 et en 2023. Les derniers cycles de négociations collectives en Allemagne confirment cette orientation des salaires et ne montrent pas d’effets de second tour avec des augmentations permanentes de 3,25 % en 2023 et 2024, conformes à la croissance que l’on pouvait avoir avant le Covid-19 en plus de deux versements uniques de 1 500 euros. On attend à présent les résultats des négociations dans des secteurs dont les coûts de production pâtissent moins de la crise énergétique (fonction publique, ingénierie, services, etc.) et qui pourraient déboucher sur des montants plus élevés. Du côté des anticipations d’inflation dans le marché, les craintes sur le rythme de resserrement monétaire des banques centrales et le risque de récession avaient entrainé à la rentrée une correction des points morts de l’ordre de 50pbs. Les dernières surprises sur la publication des chiffres d’inflation en zone euro et la montée des incertitudes pour l’inflation en 2023 ont entrainé sur les dernières semaines une nouvelle appréciation des points morts de l’ordre de 25pbs pour se situer autour de 2.25% sur une échéance allemande à 10 ans par exemple. C’est notamment l’approvisionnement énergétique pour l’hiver prochain (2023-2024) et un potentiel rattrapage des prix des services aux collectivités quand les mesures de soutiens au pouvoir d’achat s’arrêteront qui créent potentiellement des risques de surprises à la hausse sur l’inflation en 2023.

Qu’en est-il aux Etats-Unis ?
Aux Etats-Unis, l’inflation a continué de surprendre également sur les derniers mois mais son ralentissement a déjà commencé contrairement à l’Europe. L’indice des prix à la consommation (CPI) s’éloigne en effet de plus en plus de son pic atteint en Juin à 9.5% avec un glissement annuel au plus bas depuis Janvier 2022 à 7.7% sur un an sur les derniers chiffres pour Octobre (8,2% en Septembre). Néanmoins, nous pensons que le ralentissement sera très lent et nécessitera encore plusieurs trimestres.
Si on regarde dans le détail les données pour Octobre, on voit que le ralentissement des prix est maintenant globalement généralisé. Les prix de l’énergie étaient en légère hausse d’un mois sur l’autre (principalement en raison de la hausse récente du baril suite à la baisse des quotas de l’OPEP) mis mais ils continuent de peser négativement sur l’inflation totale, une tendance qui s’était déjà bien affirmée depuis Juin avec des prix de l’essence qui ont baissé de plus de 25% depuis Juin. Du côté de l’alimentation, les prix sont toujours orientés à la hausse mais le rythme était au plus bas depuis Août 2021. Les risques pesant sur l’inflation alimentaire restent toutefois orientés à la hausse en raison des perspectives incertaines des principaux intrants, y compris les produits agricoles et énergétiques, ainsi que de la répercussion des hausses salariales sur un marché du travail déjà très tendu dans ce secteur.
Concernant l’inflation sous-jacente, et c’est la une nouvelle tendance, on voit qu’après des mois ininterrompus de hausses, elle commence à ralentir à 6,3% sur un an glissant pour le mois d’Octobre après son plus haut de 40 ans atteint en Septembre à 6,6%. Son niveau élevé témoigne néanmoins de la large diffusion et persistance des tensions inflationnistes dans l’économie américaine.
Dans les biens durables, les prix poursuivent leur tendance au ralentissement en lien avec l’amélioration de l’offre (prix du fret maritime en baisse rapide et amélioration logistique dans son ensemble) et le net ralentissement de la demande. On pourra notamment citer la baisse notable dans les prix des voitures d’occasions pour le 4ème mois consécutif alors que cette composante avait explosé en 2021 et début 2022. C’est également le cas pour les biens d’ameublement (4% du panier total) qui enregistrent leur 1ère baisse depuis début 2021. La poursuite de la baisse nécessitera des améliorations supplémentaires sur les tensions sur les chaînes d’approvisionnement. Les services hors immobilier ne progressent pas non plus en rythme mensuel, une première depuis décembre 2021, en lien avec la faiblesse des prix dans la santé (une tendance qui ne devrait toutefois pas durer) et un ralentissement des pressions salariales ces derniers mois. Seule la composante « logement, loyer » (shelter), qui compte pour 33% de l’indice CPI, et pour plus de 40% de l’inflation sous-jacente reste très dynamique avec des niveaux de hausses inédits depuis 40 ans et continue d’alimenter fortement l’inflation sous-jacente depuis des mois. Au fil du temps, la correction du marché immobilier devrait se répercuter sur les loyers et les loyers imputés pris en compte dans l’indice. Mais cet ajustement prendra plusieurs mois car il s’agit d’un indicateur retardé d’environ 9-12 mois en raison de nombreux biais de construction et de méthodologie. Enfin, la hausse de la composante loyers pourrait même paradoxalement se poursuivre à cause du renchérissement des taux pour l’achat de logements, ce qui augmente la pression sur les loyers.

Quelle est votre analyse des tendances inflationnistes au-delà des prochains trimestres ?
En plus des tendances conjoncturelles dont on vient de parler, nous assistons également à un renversement partiel des tendances structurelles qui avaient aidé à limiter l’inflation dans la dernière décennie.
Ainsi, nous pensons que l’inflation à moyen terme devrait revenir sur des niveaux plus en ligne avec les cibles des banques centrales mais plus élevés que ceux que l’on a connu dans la dernière décennie pour plusieurs raisons. D’abord, la crise pandémique puis le conflit en Ukraine a exacerbé les faiblesses du modèle hyper-mondialisé qu’avait adopté les pays développés. Ces chocs ont engendré des transformations profondes dans l’organisation des économies mondiales avec de nombreux mouvements de relocalisation qui devraient contribuer à alimenter l’inflation des deux côtes de l’Atlantique. Cette dynamique se trouve renforcée par la volonté récemment affichée par les Etats Européens de renforcer leur défense militaire et leur indépendance dans des secteurs stratégiques (énergie, alimentation, technologie) avec une forte accélération des dépenses publiques dans ces domaines.
D’autre part, le coût de la transition écologique où il faudra investir des dizaines de milliers de milliards pour développer des sources d'énergie et des productions moins polluantes sera en partie financé par des prix énergétiques plus élevés. L’Union Européenne a par exemple récemment annoncé son intention de fortement accélérer le calendrier des investissements dans le renouvelable et les terminaux de gaz naturel liquéfié pour réduire sa dépendance énergétique à la Russie. Elle engendrera également une demande plus forte sur certains métaux (cobalt, lithium, nickel, etc.) et un manque de main d’œuvre supplémentaire dans certaines industries avec là encore des conséquences inflationnistes.
Enfin, en Zone Euro, la BCE réfléchit à intégrer davantage de coûts liés au logement dans le panier de calcul de l’inflation en Zone Euro, à l’image de ce qui est déjà fait aux Etats-Unis.
Dans ce sens, le FMI a notamment montré dans une étude publiée en Octobre que l’inflation sous-jacente est devenue plus « backward-looking » et que la répercussion des prix mondiaux des matières premières sur l’inflation domestique a augmenté après la pandémie, durera plus longtemps et fera atterrir les taux d’inflation sur des niveaux supérieurs à ceux que l’on a connu dans le passé.

Pourriez-vous nous expliquer comment se protéger contre ce risque inflationniste qui va donc continuer à rester massivement présent dans les prochains trimestres et à moyen terme ?
Afin de se protéger contre l’inflation qui érode la valeur des dettes au cours du temps, les obligations indexées à l’inflation peuvent apporter une protection contre la hausse des prix directement intégrée dans le produit. En effet, contrairement à une obligation classique ou « nominale », le coupon et le prix de remboursement qui seront versés au porteur ne sont pas connus au moment de l’achat car ils sont directement indexés sur un indice de prix à la consommation, c’est-à-dire sur le niveau de l’inflation constatée dans une zone économique sur une période donnée. Ainsi, l’investisseur est garanti d’avoir le même pouvoir d’achat à maturité qu’au moment où il achète l’obligation.

Pourriez-vous nous expliquer en quoi le fonds CM-AM Inflation permet d’atteindre cet objectif ?
Le fonds CM-AM Inflation, investi majoritairement en obligations indexées sur l’inflation de la zone euro, permet à la fois de se protéger d’une hausse des taux d’inflation constatés et de profiter de la hausse des anticipations d’inflation tout en prenant une exposition modérée sur les taux (grâce à une sensibilité réduite).
La spécificité de ce fonds lancé en 2012 réside en effet dans son positionnement sur des maturités relativement intermédiaires, comprises entre un et dix ans, sa maturité moyenne étant autour de cinq ans. Nous pensons que dans la configuration de marché actuelle ce positionnement particulier du portefeuille lui permet de tirer parti le mieux possible de la classe d’actif des indexées.
En effet, la hausse des anticipations d’inflation se reflétant sur toutes les maturités, le fonds peut ainsi profiter pleinement de leur hausse tout en prenant une exposition modérée sur le risque de taux qui est particulièrement accru dans l’environnement haussier taux qui se dessine pour les prochains mois. De plus, l’exposition sur les maturités intermédiaires permet au fonds de profiter plus rapidement de la hausse de l’inflation, car plus les maturités sont courtes, plus les indexées inflation réagissent aux chiffres d’inflation publiés et à l’évolution des prix de l’énergie (principalement le prix du pétrole). Parmi les obligations indexées sur l’inflation, il est en effet très important de faire la distinction entre les obligations indexées à long terme et les obligations indexées à court terme. Les formules donnent plus de poids à la composante taux dans les obligations à long terme alors que la composante inflation réalisée est prédominante sur les obligations intermédiaires. Enfin, les obligations indexées sur les maturités 10 ans et au-delà sont beaucoup plus affectés par les discours restrictifs des banques centrales qui cherchent à éviter des décrochages des anticipations d’inflations sur les maturités longues.

Achevé de rédiger le 21/11/2022

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