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2023 : la mise en place de la désinflation

L’année 2023 a été marquée par la mise en place du mouvement désinflationniste mondial, longtemps attendu pour permettre aux banques centrales occidentales d’arrêter leur cycle de remontée des taux directeurs. Malgré le maintien de risques géopolitiques sensibles (poursuite du conflit en Ukraine, tensions au Moyen-Orient et attaques en mer Rouge), les prix des matières premières se sont globalement stabilisés après une année 2022 marquée par l’envolée des cours. Si la désinflation a démarré lentement au premier semestre, elle s’est ensuite durablement installée des deux côtés de l’Atlantique, permettant aux banques centrales de mettre en pause leur politique monétaire à la fin de l’été et de maintenir les taux directeurs inchangés depuis. Après avoir atteint des plus hauts historiques depuis 2010, les taux souverains ont finalement rechuté fortement à l’automne lorsque les investisseurs financiers se sont rassurés quant à la capacité des banques centrales occidentales à lutter efficacement contre l’inflation, soutenant les marchés d’actions avec un rallye de fin d’année d’une ampleur rare. Le profil de croissance s’est toutefois nettement différencié entre l’Europe et les Etats-Unis. Le Vieux Continent a continué de souffrir du ralentissement de la demande mondiale, du niveau toujours élevé de l’inflation, de la réduction du soutien budgétaire, du durcissement des conditions financières de la BCE ou encore des fragilités de l’industrie allemande induites par la crise énergétique. Au contraire, la croissance américaine s’est montrée plus résiliente, soutenue par les mesures de soutien budgétaire et l’utilisation par les ménages du stock d’épargne disponible. Enfin, en Chine, le rebond de la croissance est resté modeste et a déçu, en dépit des mesures de soutien budgétaire et monétaire annoncées par les autorités.

En zone euro, la persistance des pressions inflationnistes a inquiété les investisseurs financiers et la Banque centrale européenne (BCE) sur la première partie de l’année. La résilience de l’inflation sous-jacente (hors énergie et alimentation) et les hausses de salaires ont notamment contraint la BCE à continuer de remonter les taux directeurs et ce, malgré les craintes des investisseurs relatives à l’instabilité financière américaine. Néanmoins, le ralentissement de l’inflation s’est accéléré sur la deuxième partie de l’année (passant de +8,6% en janvier en glissement annuel à +2,4% en novembre, et de +5,3% à +3,6% pour la sous-jacente), grâce à des effets de base favorables, à la diffusion des conditions financières restrictives et au ralentissement des prix à la production. De plus, la zone euro a connu une croissance atone cette année (-0,1% en rythme séquentiel au T3-2023 ; +0,1% au T2 et au T1), laquelle n’a cependant pas empêché l’optimisme de porter les marchés d’actions un cran plus haut (+12% pour le Stoxx Europe 600). La dégradation des indicateurs économiques s’est davantage matérialisée au 2ème semestre, notamment sur les indices d’activité PMI, même si certains indicateurs de confiance ont arrêté de se dégrader en fin d’année. Dans ce contexte, la BCE a pu laisser ses taux directeurs inchangés depuis sa réunion d’octobre (après 10 hausses consécutives de 450 pb ramenant à 4% le taux de rémunération des dépôts) tout en accélérant la baisse de la taille de son bilan, via le non-réinvestissement des titres acquis dans la cadre du programme d’achat d’actifs historique (APP) et le remboursement des opérations de prêts à long terme des banques (TLTRO). Les taux souverains européens ont donc connu une année 2023 aux deux visages : après une hausse significative lors de la phase de resserrement monétaire, ils ont finalement pu amorcer leur rechute à l’automne à la suite de la pause de la BCE, un mouvement entretenu par les attentes des investisseurs financiers concernant l’assouplissement monétaire à venir en 2024. Cela a finalement profité au resserrement des écarts (spreads) de taux entre les pays cœur et les pays dits « périphériques » de la zone euro. L’euro s’est apprécié en 2023 face au dollar (terminant en hausse de près de +4% à 1 € = 1,10 $) principalement en raison du repli du dollar causé par l’intégration de la fin du resserrement monétaire de la Fed par les investisseurs. A l’échelle européenne, les Etats membres se sont finalement accordés sur une réforme des règles budgétaires qui, si elle maintient le seuil de déficit public à 3% du PIB et celui de dette publique à 60% du PIB, octroie davantage de flexibilité aux Etats pour réduire leur endettement, notamment via l’introduction d’une période d’ajustement pouvant être allongée en cas d’investissements structurels dans la transition écologique, la défense ou le numérique. Enfin, l’année a été ponctuée par des évènements politiques tels que l’arrivée en tête aux élections législatives des Pays-Bas du parti d’extrême-droite eurosceptique et le maintien en Espagne du socialiste P. Sanchez au poste de Premier ministre.

En France, l’inflation a poursuivi son repli en 2023 (+3,7% sur un an en décembre en glissement annuel vs +6% en janvier) à l’image du reste de la zone euro, mais le resserrement monétaire et le contexte inflationniste ont affecté l’activité. Le PIB s’est en effet contracté au 3ème trimestre (-0,1% en rythme séquentiel par rapport au trimestre précédent) et les signes d’affaiblissement de la conjoncture française se sont multipliés en fin d’année (indices d’activité PMI toujours en territoire de contraction). Au cours du premier semestre, l’agence de notation Fitch a dégradé la notation souveraine de la France de AA à AA- en raison de réserves relatives à la trajectoire des finances publiques et du contexte social qui a suivi la promulgation de la réforme des retraites. Enfin, le gouvernement a présenté son projet de loi de finances pour 2024, lequel prévoit un déficit de 4,4% du PIB en 2024 (vs 4,9% estimé en 2023) qui nécessitera l’émission de 285 MM€ de dette à moyen et long terme. Pour sa part, le CAC 40 a légèrement surperformé son pair paneuropéen avec une progression de +15% sur l’année.

Au Royaume-Uni, si la persistance de l’inflation et des tensions sur le marché de l’emploi ont nécessité la poursuite des hausses de taux directeurs au 1er semestre, la désinflation observée par la suite a permis à la Banque d’Angleterre d’entamer une phase de pause dans son resserrement monétaire depuis l’été (en maintenant ses taux à 5,25%). Les conséquences de la politique monétaire ont toutefois pesé sur la croissance économique, laquelle est restée atone au 3ème trimestre (0% en glissement trimestriel). Le retour des indicateurs PMI en territoire d’expansion sur la fin d’année a été porté par la rechute rapide de l’inflation, en particulier liée au recul des prix de l’énergie. Le gouvernement a présenté son budget d’automne dans lequel il prévoit des dépenses budgétaires supplémentaires (et donc des émissions de dette plus fortes qu’attendu) ainsi qu’une hausse importante du salaire minimum, des pensions et des prestations sociales.

Aux Etats-Unis, la persistance de l’inflation, notamment dans les services et le logement, a également poussé la banque centrale américaine (Fed) à continuer de relever les taux directeurs jusqu’en juillet, portant la bande de fluctuation à 5%-5,25%. Le mouvement désinflationniste s’est toutefois matérialisé plus rapidement qu’en zone euro, l’indicateur PCE passant de +5,5% en janvier à +2,6% en novembre, permettant à la Fed de laisser ses taux inchangés depuis la réunion de septembre. En parallèle, la croissance américaine n’a cessé de surprendre par sa résilience (rebond du PIB à +4,9% en rythme séquentiel au T3), en particulier dans les services portés par la demande des ménages. Le marché de l’emploi a également été un facteur de soutien en ne se normalisant que très graduellement (augmentation de l’offre de main-d’œuvre mais créations d’emploi toujours élevées, faible taux de chômage), ce qui n’a permis qu’un ralentissement seulement progressif des salaires (toujours proches de +4% en rythme annuel en fin d’année). Tout comme en Europe, les taux souverains américains ont connu une forte appréciation jusqu’à l’automne, en particulier pour les échéances de long terme (taux à 10 ans passant le seuil des 5% en octobre dernier), avant d’amorcer un repli généralisé et rapide à partir de mi-octobre sur fond d’anticipations par les investisseurs financiers de nombreuses baisses des taux directeurs par la Fed en 2024 grâce au ralentissement de l’inflation. Surtout visible sur la partie réelle (i.e. hors anticipations d’inflation), cette décrue des taux a propulsé les indices actions américains vers de nouveaux sommets historiques (+25% pour le S&P 500). Cela a également contribué à la dépréciation du dollar face aux principales devises sur la fin de l’année. Soulignons que l’année a été mouvementée aux Etats-Unis en raison : 1/ des craintes sur le système bancaire à la suite des faillites de certaines banques régionales au premier semestre puis 2/ d’une remontée notable au cours de l’été des taux souverains en partie dans le sillage de craintes quant la trajectoire des finances fédérales américaines, lesquelles faisaient suite à un risque de défaut compte tenu de divergences fortes au sein du Congrès autour des décisions budgétaires. Un accord sur le relèvement du plafond de la dette et des coupes budgétaires ont finalement été actés, permettant la reprise des émissions de dette sur le marché depuis juin sans pour autant empêcher la dégradation par l’agence de notation Fitch de la notation souveraine américaine (« AAA » à « AA+ »). Les risques budgétaires sont d’ailleurs restés élevés au second semestre (aucun budget adopté à l’approche de la date de clôture de l’exercice fiscal 2023), nécessitant l’adoption d’un budget provisoire jusqu’à fin janvier 2024 afin d’éviter un shutdown (fermeture des services non essentiels de l’Etat).

En Chine, la faiblesse conjuguée de l’inflation (passée en territoire négatif) et de la croissance, dont la reprise post- pandémie a déçu par son ampleur, a conduit les autorités à maintenir leur soutien budgétaire et monétaire, afin de s’assurer d’atteindre leur objectif de croissance de 5%. Les fragilités structurelles ont toutefois continué de peser et limiter l’ampleur du rebond, à l’instar de la crise du secteur immobilier et du niveau très élevé d’endettement public et privé, sans oublier la net déclin des indices chinois (-18% pour le Hang Seng en 2023). En outre, si les tensions géopolitiques avec les Etats-Unis se sont amplifiées sur la première partie de l’année (enjeux autour de Taïwan et soupçons d’espionnage), la rencontre en novembre des dirigeants Xi Jinping et Joe Biden pour la première fois depuis un an a marqué une stabilisation de la relation bilatérale. S’agissant des autres pays émergents, le reflux de l’inflation, notamment sous-jacente, a permis aux banques centrales de baisser les taux directeurs cette année, à l’image de la banque centrale du Brésil cet été.

S’agissant des matières premières, le cours du Brent a rebondi jusqu’à quasiment 95 $/baril durant l’été sur fond de coupes de production de l’OPEP+, de résilience de la demande américaine et de hausse des importations chinoises, avant de revenir en fin d’année autour de 78 $/baril, dans le sillage du ralentissement économique mais aussi de craintes concernant la solidarité du cartel. Les cours du gaz se sont quant à eux repliés (autour de 35 €/MWh pour la référence européenne TTF à fin d’année) profitant d’une demande contenue et de la diversification des approvisionnements. Les tensions géopolitiques et les risques climatiques ont néanmoins alimenté la volatilité, en particulier sur certaines denrées alimentaires, bien que l’indice FAO des matières premières se soit globalement replié en 2023.

Achevé de rédiger le 15 janvier 2024