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Point Macro-économique par François DUHEN, Chef économiste et Stratégiste CIC Market Solutions - Juin 2023

Le mois de mai a été marqué par des mouvements de volatilité des actifs, relatifs aux négociations sur le plafond de la dette fédérale aux Etats-Unis et à la perspective d’un risque de défaut dans le cas où le Trésor américain ne pourrait faire face à ses engagements en juin. La Maison-Blanche et l’opposition républicaine sont cependant parvenus à un accord de suspension du plafond de la dette en fin de mois, en contrepartie d’une limite des dépenses budgétaires. En outre, malgré les craintes relatives au stress bancaire et à la situation des banques régionales américaines, les banques centrales ont poursuivi leur resserrement monétaire de part et d’autre de l’Atlantique. Alors que les membres de la Fed ont évoqué une pause dans le relèvement des taux directeurs lors de la prochaine réunion de politique monétaire, malgré une normalisation encore lente du marché de l’emploi, leurs homologues de la Banque centrale européenne (BCE) ont réitéré la nécessité d’une politique plus restrictive face à une inflation persistante. L’activité économique a continué de présenter des signes de ralentissement, en particulier dans le secteur manufacturier pénalisé par une demande en berne. A ce titre, en Chine, la faiblesse de l’activité manufacturière a pesé sur la reprise économique et sur les cours des matières premières, notamment ceux du pétrole.

En zone euro, la BCE a relevé ses taux directeurs de 25 pb. Si elle a ralenti le rythme des relèvements (de 50 pb à 25 pb), les membres ont néanmoins rappelé que d’autres hausses restent nécessaires en raison de la persistance des pressions inflationnistes, notamment sous-jacentes. La BCE a également annoncé son intention de ne plus réinvestir la totalité des obligations détenues dans la cadre du programme d’achat d’actifs historique (APP), arrivant à échéance à partir de juillet, ce qui fera passer le montant des titres non réinvestis de 15 MM€ par mois actuellement à près de 30 MM€ en moyenne au S2-2023. Du reste, selon l’enquête Bank Lending Survey, le durcissement des conditions d’octroi de crédit bancaire s’est amplifié au T1-2023 en zone euro sous l’effet du resserrement monétaire et également du stress bancaire. Les taux souverains européens, d’abord en hausse sur le mois, sont revenus proches de l’équilibre en raison notamment des perspectives de ralentissement économique et du ralentissement de l’inflation en large partie lié à la baisse des prix de l’énergie. Cela s’explique également par le ralentissement de la croissance, comme confirmé par la baisse des indices PMI préliminaires de mai, même si ces derniers présentent une divergence croissante entre le secteur des services en expansion et le secteur manufacturier davantage en territoire de contraction, pénalisé par une demande en berne. A ce titre, l’Allemagne est entrée en récession technique (deux trimestres consécutifs de contraction de la croissance en rythme séquentiel) après la révision de sa croissance au T1-2023 (-0,3% en glissement trimestriel après -0,5% au T4-2022).

En France, l’inflation a ralenti en mai (+5,1% en glissement annuel vs +5,9% en avril) tandis que l’indice du climat des affaires de l’INSEE a surpris à la baisse (100 vs 102 en avril) faisant état de la dégradation des perspectives économiques tant dans le secteur de l’industrie que dans celui des services. Par ailleurs, le gouvernement a présenté son projet de loi « industrie verte » visant à accélérer la réindustrialisation décarbonnée de l’économie française et à protéger les entreprises concurrencées par celles des pays plus polluants. Ce plan, qui se veut être la réponse française au plan de relance Inflation Reduction Act américain et dont les contours restent à définir, comprendrait notamment des mesures telles qu’un crédit d’impôt incitant les investissements dans la transition énergétique et des subventions pour les industries.

Au Royaume-Uni, la Banque d’Angleterre (BoE) a relevé ses taux directeurs de 25 pb, les portant à 4,5%, par une décision votée par sept des neuf membres décisionnaires. L’institution britannique a par ailleurs fortement révisé à la hausse ses prévisions d’inflation et de croissance, lesquelles n’anticipent plus de récession. La croissance britannique est restée stable au T1-2023 (+0,1% en glissement trimestriel, stable par rapport au T4-2022). Malgré des signaux de normalisation du marché de l’emploi en mars (ralentissement de la hausse des salaires, hausse du taux de chômage), l’inflation sous-jacente en avril a surpris à la hausse, une accélération observée aussi bien en rythme annuel que mensuel (+6,8% en glissement annuel vs +6,2% attendu et +6,2% en mars). Les taux souverains se sont fortement appréciés tout comme la livre sterling face à l’euro, par anticipation d’un durcissement additionnel de la politique de la BoE, évoqué par son gouverneur A. Bailey.

Aux Etats-Unis, la Maison-Blanche et le chef de la majorité républicaine à la Chambre des représentants, K. McCarthy sont parvenus en fin de mois à un accord de suspension du plafond de la dette fédérale jusqu’en 2025, soit après les élections présidentielles de novembre 2024, en contrepartie de dépenses publiques seront limitées pour les années fiscales 2024 et 2025. Le Congressional Budget Office, organe non-partisan rattaché au Congrès, a estimé que les économies budgétaires de cet accord atteindraient 1500 MM$ sur 10 ans. Cet accord écarte donc le risque d’un défaut souverain américain dès le début du mois de juin, une crainte qui avait provoqué des mouvements de volatilité sur les actifs financiers. Celle-ci avait également été alimentée en début de mois par le regain des craintes relatives à la situation des banques régionales américaines, au premier rang desquelles First Republic qui, confrontée à un mouvement de défiance en bourse après une baisse substantielle de ses dépôts au T1-2023, fera l’objet d’une acquisition par la banque J.P. Morgan. Selon l’enquête trimestrielle concernant le crédit bancaire (SLOO), le durcissement des conditions de crédit des banques s’est accentué au T1-2023. Cela n’a pas empêché la Fed de poursuivre le resserrement de sa politique monétaire en relevant ses taux directeurs de 25 pb (à 5-5,25%) en début de mois. Dans son communiqué, la Fed a toutefois indiqué que les taux n’avaient désormais plus vocation à remonter, et l’hypothèse d’une pause lors de la prochaine réunion en juin a été partagée par plusieurs membres. Pourtant, les statistiques relatives au marché du travail ont témoigné de tensions toujours élevées et d’une normalisation lente (salaires en accélération, créations d’emploi dynamiques) et l’inflation, notamment sous-jacente, a accéléré en avril (taux d’inflation PCE sous-jacente à +4,7% en glissement annuel vs +4,6% en mars). Certains membres de la Fed ont même évoqué la nécessité de poursuivre la hausse des taux au motif notamment le rebond en cours du marché immobilier. Ces éléments ont contribué à une appréciation des taux souverains américains au cours du mois de mai en particulier de courte échéance, ainsi qu’à une appréciation du dollar face à l’euro.

En Chine, l’ampleur de la reprise économique reste mesurée en mai, ce qui a pesé sur les indices actions chinois et le yuan. L’activité manufacturière a continué de se contracter tandis que le secteur des services reste en progression selon les indices PMI officiels de mai. La dynamique des prix demeure par ailleurs très modérée, l’inflation étant quasi stable en avril (+0,1% en glissement annuel ; -0,1% en glissement mensuel) alors que les prix à la production ont de nouveau diminué.

S’agissant des matières premières, les difficultés du secteur manufacturier chinois ont pesé sur les cours du pétrole (-8% sur un mois à un niveau proche de 70$/baril), un mouvement amplifié par les exportations russes élevées. La faiblesse de la demande chinoise a également affecté le cours des métaux industriels et les cours du gaz. En Europe, le cours de référence du gaz a poursuivi sa baisse (-30% à un prix inférieur à 30€/MWh) en raison, entre autres, de stocks supérieurs à leur moyenne historique, d’une offre abondante et d’une production d’électricité en hausse dans le nucléaire et les énergies renouvelables.

Achevé de rédiger le 12 juin 2023