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Point Macro-économique par François DUHEN, Chef économiste et Stratégiste CIC Market Solutions - 1er semestre 2023

Le premier semestre 2023 a été marqué par un retour des craintes concernant les perspectives de croissance concomitantes à la poursuite du resserrement monétaire par les banques centrales. A la persistance de l’inflation, en particulier sous-jacente, qui a conduit la Banque centrale européenne (BCE), la Fed et la Banque d’Angleterre (BoE) à poursuivre leur resserrement monétaire, s’est conjugué un épisode de turbulences financières relatives à la défaillance de banques régionales américaines et de Credit Suisse. Le mouvement d’aversion pour le risque a également été alimenté par les négociations sur la suspension du plafond de la dette fédérale américaine et la perspective d’un risque de défaut dans le cas où le Trésor américain ne parvenait pas à faire face à ses engagements en juin. Meilleure qu’attendu, l’activité économique a néanmoins manifesté des signes de ralentissement notamment en zone euro, entrée en récession technique au premier trimestre. En Chine, après un premier trimestre marqué par un rebond substantiel de la croissance économique suite à la réouverture post pandémie, la reprise de l’activité a déçu, notamment dans l’industrie, pesant sur les cours des matières premières et alimentant les attentes d’un renforcement du soutien budgétaire et monétaire des autorités.

En zone euro, les pressions inflationnistes se sont montrées persistantes, notamment celles sous-jacentes (hors énergie et alimentation) qui ont ralenti à +5,4% en juin en glissement annuel (vs +5,5% pour la partie totale), ce qui a conduit la BCE à relever ses taux directeurs à quatre reprises depuis le début de l’année de 150 points de base (pb) à 3,5% pour le taux de rémunération des dépôts. Elle a également accéléré la baisse de la taille de son bilan, via le non réinvestissement des titres acquis dans la cadre du programme d’achat d’actifs historique (APP) et le remboursement des opérations de prêts à long terme des banques (TLTRO). Ces mesures ont contribué au durcissement des conditions financières et entraîné un ralentissement des octrois de crédits. Si les investisseurs financiers ont un temps anticipé une politique monétaire un cran moins restrictive en raison des craintes relatives au risque d’une crise bancaire systémique, à la suite des difficultés aux Etats-Unis mais également en Suisse (rachat de Credit Suisse par UBS), la BCE a affirmé sa confiance dans la résilience du système bancaire de la zone euro et a rappelé sa capacité à déployer des mesures d’urgence en cas de nécessité pour assurer la stabilité financière. Face à un marché de l’emploi encore sous tensions et propice à des effets de second tour via les pressions salariales, les membres de l’institution ont réitéré la nécessité de poursuivre le resserrement monétaire, ce qui a conduit à une nette appréciation des taux souverains européens à 2 ans (de près de 50 pb sur le semestre) tandis que leurs pairs à 10 ans se sont légèrement repliés par rapport à leur niveau du début de l’année. En parallèle, bien que meilleure qu’attendu, la croissance économique a montré des signes d’affaiblissement avec l’entrée en récession technique de la zone euro (deux trimestres consécutifs de contraction, à -0,1% en rythme séquentiel au T1-2023 et T4-2022), en particulier dans l’industrie à l’instar de l’Allemagne. Du reste, à la faveur d’une réduction de l’aversion au risque et d’une activité économique résiliente en Italie, le spread de taux souverains à 10 ans Italie-Allemagne s’est nettement resserré en fin de semestre (-50 pb).

En France, la croissance au T1-2023 est repassée en territoire positif en rythme séquentiel (+0,2% vs +0% au T4-2022) à la faveur d’un rebond du commerce extérieur (forte hausse des exportations dans les transports et réduction des importations énergétiques), tandis que les composantes domestiques restent pénalisées. Les indices de confiance auprès des entreprises et des ménages se sont dégradés au cours du T2-2023, y compris dans services dorénavant en territoire de contraction. L’agence de notation Fitch a dégradé la notation souveraine de la France de AA à AA- (la perspective passant de négative à stable) en raison de réserves relatives à la trajectoire des finances publiques et au contexte social qui a suivi la promulgation de la réforme des retraites, compliquant les perspectives de réformes du gouvernement selon eux. Notons toutefois que l’agence S&P a ensuite maintenu sa notation inchangée à AA (perspective négative).

Au Royaume-Uni, la persistance de l’inflation (en glissement annuel : +8,7% en mai pour la totale et +7,1% pour la sous-jacente) et des tensions sur le marché de l’emploi (salaires), bien au-delà de ses projections, a conduit la BoE à accélérer le relèvement de ses taux directeurs (+150 pb à 5% en quatre réunions avec un retour à 50 pb lors de la dernière en juin). La perspective d’un resserrement monétaire additionnel a contribué à la forte appréciation des taux souverains (à 10 ans : +70 pb), en particulier à courte échéance, dépassant même les pics atteint à l’automne 2022 (à 2 ans : +160 pb), et de la livre sterling (+3,2% face à l’euro). L’activité est jusque-là restée résiliente, en témoignent la croissance au T1-2023 (+0,1% en rythme séquentiel) et la robustesse des indices d’activité PMI.

Aux Etats-Unis, les faillites de banques régionales puis les craintes d’un défaut souverain américain ont émaillé le premier semestre et contribué à des mouvements substantiels de volatilité. La faillite de banques régionales en mars, notamment Silicon Valley Bank, a contraint la Fed et les régulateurs à déployer des mesures exceptionnelles de garantie des dépôts et d’accès à la liquidité des établissements de crédit américains (près de 300 MM$ de liquidité). Depuis, à l’exception du rachat de First Republic, les signaux de stress bancaire se sont apaisés (stabilisation des dépôts, stabilité du marché interbancaire). Les craintes d’un défaut souverain, qui aurait pu intervenir début juin selon le Trésor américain, ont ensuite pris le relais alors que le plafond de la dette fédérale avait été atteint mi-janvier. La Maison-Blanche et l’opposition républicaine au Congrès sont parvenues, à la fin du mois de mai, à une loi de suspension du plafond jusqu’en 2025, soit après les élections présidentielles de novembre 2024, en contrepartie de dépenses publiques limitées pour les années fiscales 2024 et 2025. Malgré ces épisodes qui ont contribué à la volatilité des taux souverains, la Fed a consacré ses efforts à la lutte contre l’inflation sous-jacente persistante (indice PCE préféré par la Fed qui s’établit à +4,6% sur un an en mai) et une normalisation du marché de l’emploi encore insuffisante, en relevant ses taux directeurs de 75 pb en quatre réunions (portant la fourchette cible à 5%-5,25%), ce qui a contribué au net rebond des taux souverains de court terme (à 2 ans : +50 pb). Si la Fed a décidé d’observer une pause en juin en laissant ses taux directeurs inchangés, elle a toutefois évoqué d’éventuelles hausses prochaines de taux directeurs, une analyse qui se fonde sur une demande encore résiliente. La croissance économique est en effet restée dynamique au premier trimestre (+0,5% en rythme séquentiel) et l’activité des services a continué d’évoluer en territoire d’expansion malgré son ralentissement. Ces dynamiques, conjuguées à la vague d’engouement pour l’intelligence artificielle, ont notamment permis aux indices actions américains de surperformer très nettement leurs pairs européens (+15% pour le S&P 500 vs +4% pour le Stoxx Europe 600).

En Chine, après un rebond substantiel de la croissance économique au premier trimestre (+2,2% en rythme séquentiel) après la réouverture post-Covid de l’économie, essentiellement dans les services, la dynamique a montré des signes d’essoufflement, en particulier dans l’industrie fragilisée par une demande domestique et extérieure affaiblie. Dans ce contexte et compte tenu d’une inflation très faible, la Banque populaire de Chine a renforcé son soutien monétaire en réduisant ses principaux taux d’intérêt à court et moyen terme, afin de soutenir l’investissement et la consommation. Ceci a néanmoins accentué la dépréciation du yuan (-4,8% face au dollar). En outre, les tensions géopolitiques avec les Etats-Unis se sont amplifiées notamment au sujet de la guerre en Ukraine, un an après le début de l’invasion russe, et de soupçons d’espionnage. S’agissant des pays émergents, au Brésil, le gouvernement de Lula s’est engagé à réduire le déficit public et a bénéficié d’un regain de confiance des investisseurs (dont témoignent l’appréciation du real et l’augmentation de l’indice action Bovespa). Si l’inflation a continué de ralentir substantiellement, la banque centrale brésilienne a maintenu ses taux directeurs à leur niveau tout au long du semestre.

S’agissant des matières premières, la faiblesse de l’industrie chinoise a pesé sur les cours du pétrole (-13% à 75 $/baril) et ce malgré les décisions des pays de l’OPEP+ de réduire leur production de 2,66 million de barils par jour (1,16 millions b/j à partir de mai auxquelles s’ajoutent la prolongation de la baisse de 500 000 b/j de la production russe jusqu’à fin de l’année et la décision de l’Arabie saoudite de réduire sa production de 1 million de b/j à partir de juillet) afin de soutenir les cours. Le cours des métaux industriels, un temps en hausse en début de semestre, ont également été affectés par la faiblesse de la demande en Chine. Enfin, le cours du gaz européen s’est replié (-35% à 37 €/MWh) en raison de conditions météorologiques favorables, des efforts de baisse de la demande et de la diversification des approvisionnements.

Achevé de rédiger le 10 juillet 2023