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Point Macro-économique par François DUHEN, Chef économiste et Stratégiste CIC Market Solutions - Juillet /Août 2023

Les mois de juillet et d’août ont été marqués par un épisode volatilité des taux souverains, en particulier de long terme, exacerbé par la faiblesse estivale des volumes échangés. Si les banques centrales ont poursuivi leur resserrement monétaire, la résilience de la croissance économique, en particulier aux Etats-Unis, a amplifié les craintes de voir les banquiers centraux maintenir plus durablement une politique monétaire restrictive afin de soutenir le processus de désinflation en cours. De plus, l’inflexion de la politique monétaire de la Banque du Japon (BoJ) depuis sa réunion fin juillet et l’intégration d’une accélération des émissions de dette du Trésor américain, conjuguée à une dégradation d’un cran de la notation souveraine américaine par l’agence Fitch, ont également pu constituer des facteurs explicatifs de l’appréciation des taux longs et, par conséquence, des difficultés qui ont frappé les marchés d’actions. En Chine, les craintes relatives à la crise du secteur immobilier et au ralentissement économique ont conduit les autorités à multiplier les mesures de soutien monétaire et budgétaire et les annonces réglementaires au cours de l’été, à l’issue de la réunion du Politburo.

En zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) a relevé ses taux directeurs de 25 points de base (pb) en juillet (à 3,75%-4,25%). Le communiqué et les réponses de sa présidente, Christine Lagarde, lors de la conférence de presse au ton un cran plus prudent, ont témoigné la volonté de l’institution de ne pas s’engager sur une pause ou sur un relèvement des taux directeurs lors de la prochaine réunion de septembre. Cette approche résolument fondée sur les données statistiques (data dependent) a été réitérée par différents membres de la BCE, en particulier à l’occasion du symposium de la Fed à Jackson Hole, en évoquant la dégradation des perspectives économiques. En effet, l’inflation, en particulier sous-jacente (hors énergie et alimentation), a continué de ralentir (à +5,3% en glissement annuel en août) tandis que l’activité économique a montré des signes de ralentissement plus marqué après un second trimestre meilleur qu’attendu (+0,3% en glissement trimestriel en 1ère estimation). Les indices d’activité PMI sont ressortis en territoire de contraction en août, y compris dans les services auparavant en expansion. Dans ce contexte, les taux souverains européens de long terme ont connu une forte hausse au cours du mois d’août (Allemagne à 10 ans : +15 pb sur deux mois), tandis que leurs pairs de courte échéance se sont davantage repliés (Allemagne à 2 ans : -20 pb sur deux mois). L’euro s’est pour sa part déprécié face au dollar, à la livre sterling et au franc suisse. Mentionnons du reste, la victoire du Parti populaire d’opposition aux élections générales anticipées en Espagne, sans parvenir à réunir de majorité absolue face au Parti socialiste du Premier ministre sortant, Pedro Sanchez.

En France, la croissance a accéléré en rythme séquentiel au T1 (à +0,5% vs +0% révisé à la baisse au T1) mais cela s’explique essentiellement par la performance du commerce extérieur alors que la consommation, en contraction, et l’investissement témoignent de la faiblesse de la demande. L’inflation a accéléré au mois d’août sur un an (à +4,8% vs +4,3% en juillet) en raison du rebond des prix de l’énergie et de l’alimentation alors que les prix des biens et des services ont ralenti.

Au Royaume-Uni, dans une décision moins consensuelle qu’à l’accoutumée, la Banque d’Angleterre (BoE) a augmenté ses taux directeurs de 25 pb (à 5,25%). Si le taux d’inflation britannique a continué de ralentir en juillet (à +6,8% en glissement annuel) cela s’explique en large partie par la baisse des prix de l’énergie. L’attention reste portée sur la composante sous-jacente qui ne parvient plus à ralentir en glissement annuel en se stabilisant à +6,9%. Cette persistance des prix sous-jacents, notamment dans les services, s’explique toujours par des hausses de salaires dynamiques (+7,9% sur un an en juillet, hors bonus), et ce en dépit de la remontée du taux de chômage.

Aux Etats-Unis, la Fed a relevé ses taux directeurs de 25 pb en portant la fourchette cible à 5,25%-5,5%. S’agissant des futures décisions de la banque centrale, le président de la Fed est resté ouvert à différentes possibilités (que ce soit pause ou hausse des taux) et a déclaré conserver une approche guidée par les statistiques économiques (data dependent), position qu’il a réaffirmée lors de son discours au symposium de Jackson Hole. L’inflation sous-jacente a effet poursuivi son ralentissement en juillet (+4,7% en glissement annuel vs +4,9% en juin pour la donnée CPI publiée en avance), alors que l’inflation globale a légèrement accéléré (+3,2% vs +3% en juin) en raison des prix de l’énergie. Néanmoins, le marché du travail a envoyé des signaux mitigés en juillet. Si les créations d’emploi ont été de moins en moins dynamiques (+187 k avec une révision à la baisse de 49 k emplois sur les deux derniers mois), les salaires restent élevés (+4,4% en variation annuelle) dans un contexte où le taux de chômage reste proche de ses points bas historiques (3,5% vs 3,6% en juin). Les taux souverains de longue période ont ainsi connu un mouvement de volatilité à la hausse important au mois d’août, alimentant une repentification de la courbe des taux, également en raison de : 1/ l’ajustement monétaire de la BoJ (assouplissement de son contrôle de la courbe des taux) ; 2/ un programme d’émissions obligataires élevées prévues par le Trésor américain en août et une montée en puissance pour les trimestres à venir ; et 3/ la résilience de l’activité. Cette dernière a été illustrée par la 1ère estimation du PIB au T2 (à +2,4% en glissement trimestriel annualisé ; +2,1% en 2ème estimation) et les indices d’activité ISM du mois de juillet, qui résistent en particulier dans les services. Enfin, l’agence de notation Fitch Ratings a dégradé la notation souveraine des Etats-Unis de « AAA » à « AA+ » en évoquant notamment des inquiétudes croissantes concernant la gestion budgétaire tant sur le plan des finances publiques que sur le plan politique compte tenu de la polarisation du Congrès. Ces différents éléments ont par ailleurs pesé sur la performance des marchés d’actions via un rebond sensible de l’aversion pour le risque, même si les indices américains s’en sortent un léger cran plus favorablement que leurs pairs européens, lesquels ont notamment moins profité de la vague d’engouement réitérée pour la thématique de l’intelligence artificielle après les très bons résultats de Nvidia (S&P 500 : stable depuis début juillet et -3% depuis début août, contre un Stoxx Europe 600 en baisse de -2% et -4% depuis les mêmes échéances, respectivement).

En Chine, les autorités chinoises ont multiplié au cours de l’été les annonces et les mesures de soutien visant en particulier l’immobilier, en réaction à une activité en recul et des difficultés exacerbées dans le secteur, illustrées par les déboires du promoteur Country Garden. Sur le plan monétaire, et dans un contexte de déflation (-0,3% en août sur un an), la banque centrale a par exemple réduit plusieurs de ses taux d’intérêt, et enjoint les banques d’Etat à réduire les taux d’intérêt sur les prêts immobiliers en cours. Ces annonces n’ont toutefois pas réussi à convaincre et rassurer les investisseurs financiers, comme en témoigne la très nette sous-performance des indices actions chinois (-9% depuis la fin du mois de juillet). La dépréciation du yuan au mois d’août, après la réunion du Politburo, témoigne également de la déception relative à l’ampleur des mesures jugée insuffisante pour relancer l’activité (dont la croissance au T2 a déçu) et la confiance.

S’agissant des pays émergents, au Brésil, la banque centrale a baissé ses taux directeurs de 50 pb à 13,25% (contre -25 pb attendu) tandis que le gouvernement de Lula a dévoilé un plan de relance massif de 350 MM, ciblant les infrastructures, dont l’essentiel sera déployé d’ici 2026. En Inde, la banque centrale a maintenu ses taux directeurs inchangés (à 6,5%) malgré l’accélération substantielle de l’inflation en juillet en raison de la hausse des prix des denrées agricoles.

S’agissant des matières premières, les cours du pétrole ont fortement accéléré (de 75 dollars/baril fin juin se rapprochant de 90 dollars/baril fin août) du fait de la conjonction de facteurs favorables tant du côté de l’offre (recul des exportations maritimes russes, entrée en vigueur de la coupe de production volontaire de l’Arabie saoudite, laquelle a d’ailleurs été prolongée jusqu’à à la fin de l’année) que de la demande (résilience de la demande américaine, dynamisme de l’activité dans le secteur aérien et robustesse des importations chinoises de pétrole). De plus, en raison de la décision de la Russie de mettre un terme à l’Initiative céréalière en mer Noire en juillet, les cours du blé ont connu un mouvement de volatilité et certaines denrées agricoles ont vu leur prix croître, à l’instar des huiles végétales.

Achevé de rédiger le 8 septembre 2023