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Point Macro-économique par François DUHEN, Chef économiste et Stratégiste CIC Market Solutions - Novembre 2023

Au mois d’octobre, le dynamisme de l’économie américaine a porté les taux souverains américains de long terme tandis que la zone euro a fait face à un contexte économique moins favorable marqué par le ralentissement économique. La Banque centrale européenne (BCE) a en conséquence décidé de ne pas relever ses taux directeurs, après 10 hausses consécutives, ce qui a contribué au repli des taux souverains européens en fin de mois et limité la baisse des marchés d’actions, bien que l’euro soit resté stable par rapport au dollar américain. En Chine, les difficultés de l’économie sont restées prégnantes et ont conduit l’Etat chinois à annoncer un soutien budgétaire supplémentaire. Le mois d’octobre a enfin été marqué par la résurgence de tensions au Moyen-Orient entre Israël et le Hamas, après les attaques du Hamas au début de mois. L’absence d’extension du conflit aux pays voisins et à l’Iran n’a pas eu d’impact marqué sur les actifs financiers, et notamment les cours du pétrole.

En zone euro, après 10 hausses consécutives de ses taux directeurs, la BCE les a laissés inchangés dans une décision prise à l’unanimité et attendue par les investisseurs. Elle estime dorénavant que le maintien des taux directeurs à leur niveau actuel devrait permettre de ramener l’inflation vers sa cible de 2%. Au cours de la conférence de presse, C. Lagarde a d’ailleurs évoqué les multiples signes de désinflation à l’œuvre en zone euro. Fidèle à son approche guidée par les données économiques (data dependent), elle s’est toutefois refusée à donner des indications sur les prochaines décisions (forward guidance) et n’a pas exclu un éventuel relèvement des taux directeurs si nécessaire. Après avoir atteint leurs points hauts à la mi-octobre, les taux souverains européens de courte et longue échéances se sont repliés dans l’ensemble sur le mois. De plus, l’absence de discussions sur la gestion du bilan de la BCE lors de la réunion a également permis au spread de taux périphériques de se resserrer. La BCE a pu constater le ralentissement des prix et de la croissance en octobre. L’inflation a ralenti et atteint un point bas depuis juillet 2021 en octobre (+2,9% en glissement annuel vs +4,3% en septembre) en raison, en particulier, d’effets de base liés à la hausse des prix de l’énergie un an plus tôt, de même que l’inflation sous-jacente (à +4,2% en glissement annuel vs +4,5% en septembre). Outre la détérioration des indices PMI d’octobre, en territoire de contraction dans l’industrie et les services, la croissance de la zone euro s’est contractée au troisième trimestre (-0,1% en rythme séquentiel vs +0,2% au T2 révisé à la hausse), pliant notamment sous le poids de l’économie allemande. Enfin, le resserrement monétaire continue également d’avoir un impact sur la dynamique du crédit en zone euro selon l’enquête Bank Lending Survey de la BCE sur les conditions d’octroi et la demande de crédit bancaire au T3. La prudence de la BCE et les avancées statistiques ont ainsi permis de limiter la baisse des marchés d’actions (-4% pour le Stoxx Europe 600 et -3% pour le S&P 500), pénalisés par ailleurs par une saison de résultats T3-2023 mitigée.

En France, la croissance économique a marqué le pas au T3 après son rebond au T2 (+0,1% en rythme séquentiel vs +0,6% au T2 révisé à la hausse) tandis que l’inflation a ralenti (+4% en glissement annuel vs +4,9% en septembre). S’agissant de l’activité au mois d’octobre, les indices PMI préliminaires sont restés en territoire de contraction. Si l’indice PMI services s’est légèrement amélioré (à 46,1 vs 44,4 en septembre), l’indice manufacturier se dégrade davantage (à 42,6 vs 44,2 en septembre). Enfin, le gouvernement a présenté son projet de loi de finances pour 2024, lequel prévoit un déficit à 4,4% du PIB en 2024 (vs 4,9% estimé en 2023), qui nécessitera l’émission de 285 MM€ de dette à moyen et long termes.

Au Royaume-Uni, les statistiques de croissance mensuelle au Royaume-Uni témoignent d’un léger rebond à la fin de l’été (+0,1% en glissement mensuel en août vs -0,6% en juillet), porté notamment les services. Le tableau est moins favorable s’agissant de l’inflation, qui n’a pas montré de signe de ralentissement en septembre (à +6,7% en glissement annuel comme en août), affectée par la remontée des prix de l’énergie et des pressions salariales toujours fortes.

Aux Etats-Unis, portés par des statistiques témoignant du dynamisme de la croissance américaine, les taux souverains de longue période ont poursuivi leur hausse en octobre (à 10 ans : +30 pb), contribuant à un mouvement de repentification de la courbe des taux sur le mois. Le seuil des 5% a même été temporairement dépassé. La croissance américaine a en effet substantiellement accéléré au T3, à +4,9% en rythme séquentiel annualisé (vs +2,1% au T2), soit +1,2% en glissement trimestriel, à la faveur d’une augmentation sensible de la consommation des ménages. A l’occasion d’une conférence, J. Powell, le président de la Fed, n’a pas exclu la possibilité d’un relèvement additionnel des taux directeurs lors de la réunion de politique monétaire de novembre, en raison de la bonne tenue de l’économie américaine. Cette dernière s’est notamment illustrée par des créations d’emplois encore importantes (+336 k vs +170 k attendu et +227 k en août). Si l’inflation PCE est restée stable en septembre (à +3,4% en glissement annuel comme attendu vs +3,4% révisé à la baisse de 10 points de base en août), l’inflation sous-jacente PCE, hors énergie et alimentation, a néanmoins poursuivi son ralentissement (+3,7% en glissement annuel comme attendu vs +3,8% révisé à la baisse en août). Du reste, après l’adoption bipartisane d’un budget provisoire permettant d’éviter un shutdown gouvernemental (i.e. arrêt des services non essentiels de l’Etat), K. McCarthy a été démis de son poste de président de la Chambre des représentants (speaker) après le vote d’une motion de censure par 208 élus démocrates et 8 élus républicains « dissidents » issus de la frange radicale du parti. Le républicain M. Johnson, partisan de l’ex-président D. Trump, est finalement parvenu à obtenir les voix nécessaires de son parti, majoritaire à la Chambre, pour lui succéder, mais les évènements les plus récents ont continué de mettre en avant la polarisation de ‘l’échiquier politique américain.

En Chine, la croissance économique au T3 a largement dépassé les attentes (à +1,3% en glissement trimestriel vs +0,5% au T2) et l’historique de croissance en 2022 a été révisé à la hausse (à +3% vs +3,2% précédemment) en incluant un rebond plus net de l’activité en fin d’année. Ce rythme est dorénavant compatible avec l’atteinte de l’objectif de croissance de +5% en 2023 des autorités chinoises. Par ailleurs, face aux difficultés rencontrées par l’économie, illustrées par des indices PMI officiels d’octobre dégradées et une inflation nulle sur un an en septembre, l’Etat a annoncé l’accroissement du déficit budgétaire prévu pour l’année 2023 de 3% à 3,8% du PIB et l’émission additionnelle de 137 MM$ de dette publique. Cette hausse des émissions ciblerait une nouvelle fois le secteur de la construction en difficultés. S’agissant des pays émergents, au Brésil, la banque centrale a de nouveau baissé ses taux directeurs de 50 pb à 12,25%, conservant son rythme de baisse.

En ce qui concerne les matières premières, les cours du pétrole, un temps en hausse sur fond de craintes d’élargissement des tensions au Moyen-Orient et de perturbations des flux pétroliers et de gaz, ont finalement baissé pour retrouver des niveaux proches de 85 $/baril du fait de statistiques chinoises mitigées. De manière similaire, la volatilité sur les prix du gaz en Europe s’est temporairement renforcée avec un prix dépassant de nouveau 50 €/MWh, une première depuis avril dernier, mais les cours se sont stabilisés sur la seconde moitié du mois. L’indice des prix agricoles FAO a quant à lui de nouveau baissé en septembre à la faveur, en particulier, de la baisse des prix des huiles végétales.

Achevé de rédiger le 15 novembre 2023