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Point Macro-économique par François DUHEN, Chef économiste et Stratégiste CIC Market Solutions - Décembre 2023

Le mois de novembre a été marqué par la baisse substantielle des taux souverains européens et américains, et la hausse en parallèle des marchés d’actions. Ce mouvement s’explique par des statistiques d’inflation favorablement orientées à la baisse de part et d’autre de l’Atlantique conjuguées à, s’agissant des Etats-Unis, des statistiques illustrant un ralentissement de l’économie. Les investisseurs anticipent désormais une phase d’assouplissement monétaire des banques centrales plus tôt en 2024 et les déclarations de certains banquiers centraux visant à tempérer ces attentes ne sont pas parvenues à contenir le mouvement de baisse. En Chine, malgré des difficultés structurelles toujours prégnantes, l’activité économique a présenté des signes d’amélioration à mesure que l’Etat, les collectivités et la banque centrale ont poursuivi leur soutien à l’économie. Du reste, à l’issue de leur réunion, qui avait été reportée, les pays de l’OPEP ne sont parvenus qu’à un accord a minima pour des coupes volontaires en 2024, ce qui a contribué à un repli du cours du Brent vers 80 $ le baril.

En zone euro, en l’absence de réunion de politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), le mois de novembre a été marqué par les différentes prises de paroles des banquiers centraux, orientant sensiblement le mouvement des taux souverains européens à la baisse. Si C. Lagarde a reconnu la dynamique de désinflation à l’œuvre en zone euro soutenue par des facteurs tel que l’affaiblissement du marché de l’emploi, elle a également appeler à la prudence quant à la trajectoire d’inflation à moyen terme rappelant que la lutte contre l’inflation n’était pas terminée. Le ralentissement de l’inflation a suivi son cours en novembre et atteint un point bas depuis juillet 2021 à 2,4% en glissement annuel (vs +2,9% en octobre), de même pour l’inflation sous-jacente (+3,6% en glissement annuel vs +4,2% en octobre). Le gouverneur de la banque de France, F. Villeroy de Galhau, s’est pour sa part montré plus confiant allant à jusqu’à évoquer d’éventuelles baisses de taux directeurs en temps voulu en 2024, ce qui a accentué le mouvement à la baisse des taux européens et entrainé un net rebond des marchés d’actions (Stoxx Europe 600 : +6%). Par ailleurs, certains membres de la BCE, y compris C. Lagarde, se sont montrés favorables à une discussion relative à l’arrêt anticipé des réinvestissements des obligations acquises dans le cadre du programme d’achat PEPP, lesquels devaient officiellement se poursuivre jusqu’à fin 2024. De plus, les indices PMI de novembre se sont toujours inscrits en territoire de contraction aussi bien dans les services que dans l’industrie. Le mois de novembre a également été ponctué par l’apparition d’incertitudes politiques à la suite, d’une part, de l’arrivée en tête aux élections législatives des Pays-Bas du parti d’extrême-droite eurosceptique et, de l’autre, des questions relatives à la politique budgétaire de l’Etat en Allemagne suite au jugement rendu par la Cour constitutionnelle sanctionnant certaines pratiques budgétaires. Du reste, il faut néanmoins souligner que l’agence de notation Moody’s a relevé de deux crans la note de la dette souveraine du Portugal malgré la démission récente du Premier ministre, et maintenu la notation de la dette italienne en relevant sa perspective de négative à stable.

En France, la croissance économique au 3ème trimestre a fait l’objet d’une révision à la baisse (-0,1% en rythme séquentiel vs +0,1% en première estimation et +0,6% au T2) tandis que la consommation de biens des ménages a largement baissé sur un mois (-0,9% en glissement mensuel en volume). L’inflation a ralenti sur le mois de novembre (+3,4% en glissement annuel vs +4% en octobre ; -0,2% en glissement mensuel) et les indices PMI se sont globalement stabilisés d’un mois sur l’autre (indice composite à 44,5 en novembre vs 44,6 en octobre). Enfin, l’agence de notation S&P a maintenu la note AA de la France malgré la perspective négative. Elle rappelle cependant les risques liés à la dynamique inquiétante des finances publiques dans un contexte de taux élevés.

Au Royaume-Uni, la BoE a décidé de maintenir ses taux directeurs inchangés à 5,25% en début de mois, une décision attendue mais partagée (6 voix contre 3 en faveur d’une hausse des taux). Bien que le président de l’institution ait indiqué que les taux directeurs resteraient aussi élevés aussi longtemps que nécessaire, cette décision a provoqué une baisse des taux souverains (à 10 ans -30 pb sur le mois), les investisseurs anticipant désormais une pause et une première baisse des taux directeurs au T3-2024. Après de nombreux mois à un rythme très élevé, l’inflation ralentit en octobre (à +4,6% en glissement annuel vs +6,6% en septembre), portée notamment par le recul de la composante énergie. Si la croissance est restée atone au 3ème trimestre, le retour des indices PMI en territoire d’expansion en novembre et la présentation du mini-budget d’automne par le ministre des Finances, qui prévoit une hausse importante du salaire minimum et des pensions et prestations sociales, des dépenses fiscales supplémentaires et des émissions de dette plus fortes qu’attendu ont contribué taux souverains

Aux Etats-Unis, à l’issue de sa réunion, la Fed a maintenu sa fourchette cible des taux directeurs à 5,25%-5,5%, dans une décision attendue par les investisseurs. Les statistiques publiées ce mois-ci ont témoigné en effet de premiers signes de ralentissement de la croissance américaine et de la poursuite de la désinflation, ce qui a contribué à la poursuite du repli des taux souverains en novembre (à 10 ans : -50 pb). Les indices actions américains ont également profité de cet effet combiné d’une rechute des pressions inflationnistes et d’une croissance encore solide à ce stade (S&P 500 : +9%). Ainsi, l’inflation pour le mois d’octobre a continué de ralentir (+3,2% sur un an vs +3,7% en septembre), notamment pour sa partie sous-jacente (+4% vs +4,1% en septembre). A cette donnée, se sont ajoutées d’autres statistiques favorables à la désinflation et au ralentissement de l’activité sur le front de l’emploi. A ce titre, le ralentissement des créations d’emplois en octobre, la baisse des ventes au détail et de la production industrielle en octobre ou encore les enseignements du rapport Beige Book de la Fed qui témoigne d’un tassement de l’activité sont à souligner. Si certains banquiers centraux ont pu évoquer la baisse des taux directeurs, d’autres membres de la Fed ont néanmoins rappelé que la poursuite du cycle de relèvement des taux directeurs de la banque centrale ne pouvait être écartée et qu’évoquer une baisse des taux directeurs était prématuré, à l’instar de Jerome Powell.

En Chine, à la faveur d’une poursuite du soutien budgétaire et monétaire, la banque centrale ayant injecté près de 200 MM$ de liquidité via sa facilité de prêt à moyen terme à un 1 an, l’économie chinoise a montré des signes d’amélioration. La consommation des ménages a été meilleure qu’attendu, comme l’illustrent les ventes au détail d’octobre (+7,6% en glissement annuel vs +5,5% en septembre), un rebond favorisé par un effet de base lié à la faiblesse des ventes en fin d’année 2022, de même que la production industrielle (+4,6%). L’investissement est resté faible dans un contexte domestique et international qui reste délicat bien. Outre une inflation générale de nouveau en territoire négatif en octobre, reculant sur un an (-0,2%), l’économie présente toujours des difficultés structurelles à l’image du secteur immobilier (investissement immobilier à -9,3% depuis le début de l’année en glissement annuel). Du reste, Xi Jinping et Joe Biden se sont entretenus pour la première fois depuis un an, marquant une stabilisation de la relation bilatérale.

En ce qui concerne les matières premières, les cours du pétrole ont connu des épisodes de volatilité marquée et ont terminé le mois en baisse, pénalisé en particulier par le sommet de l’OPEP, lequel a même été reporté de quelques jours, et à l’issue duquel les pays producteurs ne sont pas parvenus à accord formel de coupes de production fermes (celles-ci étant seulement « volontaires »). Parallèlement, le cours du gaz européen s’est replié vers 40 €/MWh. Enfin, l’indice des prix agricoles FAO s’est stabilisé en novembre, la hausse des prix des huiles, des produits laitiers et du sucre compensant la baisse des céréales et de la viande.

Achevé de rédiger le 11 décembre 2023